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De Gaulle
 
 

CE QUE JE N’AI PAS DIT
Par Le général JOUHAUD
Chez Fayard

É V I A N

P 277 à 280

C'est le dimanche 18 mars, à 18 heures, que nous fut annoncée la signature du cessez-le-feu.

Les accords conclus à
Évian étaient paraphés. C'était pour les rebelles, comme le précisera M. Ben Khedda, « la grande victoire du peuple algérien », un succès éclatant contre le colonialisme et son armée qui, bien qu'ayant « bénéficié de l'appui massif de l'O.T.A.N. dans tous les domaines, militaire, financier, diplomatique », n'avait pu venir à bout de « l'invincible Armée de la libération nationale ». Le lundi fut pour les Français d'Algérie un jour de deuil.

La France venait de nous trahir.

Trahison qui ne pouvait tromper tout esprit raisonnable. De Gaulle venait d'accorder au F.L.N. tout ce que ce dernier exigeait depuis le début de sa révolte:

—  Reconnaissance par la France de la souveraineté algérienne, une et indivisible ;

—  Reconnaissance du F.L.N. comme unique interlocuteur et représentant exclusif du peuple algérien ;

—  Libération de tous les détenus politiques ;

—  Choix pour les Français entre le statut de droit d'étranger et la nationalité algérienne.

Accords auxquels, de plus, aucune valeur ne pouvait être accordée. Ils avaient d'abord été signés, conformément à la volonté du gouvernement français, par un organisme ne représentant pas le G.P.R.A., ne liant donc en rien le futur gouvernement algérien. Ensuite, de quelle autorité morale pouvaient se prévaloir les négociateurs rebelles? Le gouvernement français n'ignorait pas, par ses services de renseignements, les discordes existant au sein de la direction du F.L.N. Trois forces d'inégale importance s'opposaient, nous dit Amar Hamdani (Op.cit.)

D'abord, les « vieux colonels » : Krim Belkacem, Ben Tobbal, Boussouf... ; ensuite, les jeunes loups de l'A.L.N. avec Boumediene en tête ; enfin, les éternels politiques avec Ferhat Abbas et les « centralistes » de Ben Khedda. Krim était très contesté et l'on s'en rendra compte par suite, mais c'est lui qui fut choisi pour représenter le F.L.N.

En fait, De Gaulle avalisait ces éléments douteux, car il désirait à tout prix se débarrasser de l’Algérie. Au Conseil des ministres du 19 mars, il déclarera, parlant des accords: «C'est une issue honorable... Il était indispensable de dégager la France d'une situation qui ne lui procurait que des malheurs. Que les accords soient aléatoires dans leur application, c'est certain... Quant à la France, il sera nécessaire qu'elle s'intéresse maintenant à autre chose 1. » 1 - Robert buron, op. cit

Ce qui ne l'empêchait pas, suivant son habitude, de travestir la vérité, de déclarer dans son allocution télévisée du 18 mars : les accords « satisfont la raison de la France ». La France, c'est-à-dire De Gaulle. Quant aux plénipotentiaires français, ils ne manifesteront aucun enthousiasme, si l'on en croit Robert Buron qui n'avouera aucune satisfaction véritable d'avoir apposé sa signature à ces accords.

Les accords étaient signés. « Fallait-il vraiment sacrifier pendant plus de sept ans des centaines de milliers de vies humaines et des milliers de milliards pour franchir enfin ce seuil ? » écrivait Sirius dans Le Monde. En fait, la France était toujours celle que Joachim de Bernis dépeignait au comte de Choiseul : « La plus misérable des nations, parce qu'elle n'a nulle espèce d'honneur et qu'elle ne songe qu'à l'argent et au repos. »

La France, lasse de cette guerre, allait enfin goûter les bienfaits de la paix et faire l'économie de l'entretien d'une lutte qui n'en finissait plus. Ses enfants n'auraient plus à partir vers des rivages lointains où chaque jour ils risquaient leur vie. La réalité n'était-elle pas différente ?

Une campagne de presse, savamment orchestrée, laissait à penser que tous les combats étaient particulièrement meurtriers et que les deuils dans les familles françaises se succédaient douloureusement.

M. Robert Buron pouvait écrire dans ses Carnets politiques de la guerre d'Alg
érie, à la date du 18 novembre 1957 : « La semaine dernière, j'étais à Bouère pour une fête locale. Le maire venait de m'exprimer son inquiétude devant l'état d'esprit de la commune qui comptait déjà deux tués parmi ses jeunes. Une heure après, un gendarme lui apportait, en pleine séance, le télégramme officiel annonçant le décès d'un jeune cultivateur dont le frère était revenu de là-bas, l'an dernier, pensionné à 50 % pour tuberculose. »

Et rappelant que les poujadistes tentaient d'exploiter une situation pourrie, ce qu'il désapprouvait tout comme « la prise de position sans nuance de leur chef en faveur de l’Algérie française », le ministre ajoutait : « II cabre les travailleurs des champs et des villes. » Quant aux jeunes appelés, « ils ne manifestent aucune sympathie pour les pieds-noirs, mais beaucoup de compréhension pour les Musulmans, ceux du bled tout au moins. Et, enfin, les morts s'ajoutent aux morts, sans que l'issue soit en vue ».

Certes, la guerre est atroce et les familles qui ont perdu un enfant dans les djebels méritent respect et compassion. La guerre cause toujours trop de souffrances. Que ces familles éprouvées ne prennent pas ombrage des chiffres officiels suivants, qui s'étendent à la période du 1er novembre 1954 au 2 février 1962, donc sur sept ans et trois mois : troupes françaises, 17456 tués (dont 5966 par accident, auto, etc.). Sur ces 17456 tués, on comptait 6059 appelés 1.
1
.  Notons le chiffre des déserteurs passés dans les rangs du F.L.N. : 16 officiers, 317 sous-officiers, 9 722 hommes de troupe (militaires français de carrière, appelés, gendarmes, légionnaires, algériens, africains). La propagande défaitiste en Métropole obtenait ainsi un beau succès. Signalons aussi les pertes de la Légion: 40 officiers, 158 sous-officiers, 1 009 hommes de troupe.

Par comparaison, rappelons qu'en Métropole, en 1962, on enregistra, pour une seule année, 10125 tués par accidents de circulation routière, et personne ne protesta contre l'insuffisance des crédits affectés aux autoroutes, par exemple.

Quant au peu de sympathie manifestée à l'égard des pieds-noirs, elle datait de bien longtemps. Ce n'est pas sans surprise que je lisais un jour, sous la signature d'« Indomitus 2 », (2. « Nous sommes les rebelles», Indomitus)

ces lignes révoltantes sur l'effort de guerre consenti par les Français d'Algérie en 1942-1945 :

« II y eut tous les éléments impurs que la France libre dut amalgamer après l'affaire d'Afrique du Nord... Colons mobilisés, personnel administratif vichyssois, tous ceux-là qui, au lieu de suivre humblement les F.F.L., voulurent les mettre au pas. Et il est regrettable que le gouvernement de De Gaulle, à son arrivée en Afrique, n'ait pas agi avec plus de rigueur, pardonnant si cela était nécessaire et juste, mais dans la clarté. »

Éclatant hommage à l'armée de Juin et de De Lattre, à sa marche victorieuse jusqu'au Danube, aux héros qui reposent à Gammarth, à Cassino, en Provence, en Alsace ! Au moins, Indomitus aurait dû savoir qu'à cette époque 16 % de la population européenne fut mobilisée, ce qui se serait traduit en France, dans des conditions analogues, par 6 millions et demi d'hommes mobilisés, chiffre jamais atteint. Indomitus aurait pu ne pas oublier qu'en 1914 le 19e corps d'Algérie avait fourni 300.000 combattants et enregistré 40 000 morts. Dans mon village natal, sur 788 habitants, il y eut 64 tués !

On sait bien pourtant que ces «pieds-noirs ne sont pas français comme nous», ainsi que le dit un jour De Gaulle. Peut-être cet officier général aurait-il pu se souvenir de l'histoire militaire de son pays, car il la connaissait.

Général JOUHAUD

 


 
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