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Autopsie de la Guerre d’Algérie
Philippe TRIPIER - Editions France-Empire

E V I A N

CHAPITRE XIV - Pages 546 à 553

Dès l'origine de l'insurrection, dans sa déclaration du 1 novembre 1954, puis dans sa Plate-forme Politique du 20 août 1956, le F.L.N. avait clairement posé les conditions dernières auxquelles il ferait la paix. Ces objectifs de guerre, rappelons-le, étaient les suivants :

- reconnaissance officielle par la France de la nationalité algérienne et de la souveraineté algérienne une et indivisible (1.11.1954),

- reconnaissance de la nation dans ses limites territoriale actuelles comprenant le Sahara (20.8.1956),

- reconnaissance du F.L.N. comme unique interlocuteur algérien de la France et représentant exclusif du Peuple algérien (20.8.1956),

- reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie et de sa souveraineté dans tous les domaines jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie (20.8.1956),

- libération de tous les détenus politiques et levée de toutes les mesures d'exception (1.11.1954),

- choix pour les Français d'Algérie entre le statut commun d'étranger et la nationalité d'algérien, à l'exclusion de tout traitement préférentiel (1.11.1954).

Par l'acte d'Evian, sans avoir eu à consentir un cessez-le-feu préalable et sans avoir eu à partager son privilège avec quiconque, le F.L.N. se voyait intégralement mis en possession de ces objectifs.

Au soir du 18 mars 1962, le président du G.P.R.A. Ben Khedda put déclarer sur les ondes d'Algérie, ainsi que de Tanger, Rabat, Tunis, Tripoli et Le Caire :

« Peuple algérien ! Après plusieurs mois de négociations difficiles et laborieuses, un accord spécial vient d'être conclu à la conférence d'Evian entre la délégation algérienne et la délégation franchise. C'est la une grande victoire du peuple algérien dont le droit a l’indépendance vient enfin d'être garanti.

« ... Si l’on considère les positions françaises qui subordonnaient toute négociation au cessez-le-feu, c'est là une grande victoire du peuple algérien. Cette victoire se traduit sur le plan politique par l'indépendance de notre pays...

« La décision d'arrêter les opérations militaires à partir du lendemain 19 mars 1962 à minuit sur I'ensemble du territoire national constitue une des conséquences des accords intervenus sur les garanties de l’autodétermination et sur l'avenir de notre pays.

« La teneur de ces accords est conforme aux principes de la Révolution, maintes fois affirmés :

« 1. - L'intégrité territoriale de l'Algérie dans ses limites actuelles, ce qui exclut toute tentative, ouverte ou dissimulée, de partition dans le nord de l'Algérie ; ce qui exclut aussi toute tentative d'amputer notre pays de son Sahara.

« 2. - L'indépendance de l'Algérie : l'Etat algérien jouira de tous les attributs de la souveraineté avec sa défense nationale et sa diplomatie, son orientation propre sur le plan interne comme sur le plan international.

« 3. - L'unité du peuple algérien est reconnue. La France renonce à sa conception de l'Algérie amalgame de communautés diverses. Le caractère national du peuple algérien de culture arabo-islamique, soudé dans la lutte pour l'indépen­dance, est enfin reconnu.

« 4. - La reconnaissance du G.P.R.A. comme interlocuteur exclusif et représentant authentique du peuple algérien s'est imposée dans les faits. «

« ...Ainsi le processus de la "négociation, qui était basé initialement sur les garanties de l’autodétermination, a évolue d’une façon décisive vers une négociation globale sur l'avenir de l’Algérie.

« ...En ce qui concerne le problème des Européens d'Algérie, nous l'avons reglé dans le cadre de la souveraineté de l'Etat algérien… Nous avons écarte le statut de communauté et le principe de la double citoyenneté, susceptibles de porter atteinte à l’unité du futur Etat algérien et de compromettre son évolution.

« ... Les questions militaires ont été résolues dans la pers­pective de l'évacuation des forces armées Françaises... selon un calendrier précis... »

«... Des accords ont été conclus visant notamment à... la libération des internes et des emprisonnes... » Etc. (1).

En France deux ouvrages furent consacrés presque aussitôt à une analyse exhaustive des accords d'Evian. L'un de Serge Moureaux, - favorable a l'indépendance -, démontre avec satisfaction que « la France a admis les revendications fondamentales du F.L.N. Nous avons énuméré, dit-il, les objectifs essentiels du F.L.N. Les accords d'Evian les consacrent indiscutablement » (2). L'autre, du professeur Allais, - lequel se défend d'avoir été jamais partisan de « l'Algérie Française » -, constate à regret : « Le Pouvoir a fait quatre ans de guerre pour imposer à l'adversaire la solution qui était précisément son objectif finals (3).

En effet, le F.L.N. célébra sur l'heure, par toutes les voix de sa propagande, la victoire obtenue.

Les textes que, pour simplifier, on appelle « les accords d'Evian » sont désignés du coté français, non sous le nom d' « accords » qui supposerait une égalité de statut entre les parties, mais par le terme officiel de « Déclarations

Gouvernementales du 19 mars 1962 ». Un projet de loi soumis au référendum du peuple français, en métropole, le 8 avril 1962, va autoriser le Président de la République à mettre en application lesdites Déclarations Gouvernementales.

C'est en vertu des textes ainsi adoptés que les populations algériennes se prononceront, par referendum du 1 juillet 1962, en faveur de l’indépendance de leur pays.

(1) Les accords d'Evian stipulaient : « L'amnistie sera immédiatement proclamée. Les personnes détenues seront libérées ». L'amnistie fut rendue effective par décret du 22 mars. Elle s'appliqua aux détenus appartenant au camp de la rébellion exclusivement.

(2) Serge Moureaux : « Les accords d'Evian et l'avenir de la révolution algérienne », édit. Maspéro, mai 1962.

(1)Maurice Allais : « L'Algérie d'Evian », édit. de l*Esprit nouveau, juillet 1962.

D'emblée la légitimité du référendum métropolitain! se voit, de divers cotés, contestée. Le Conseil Constitutionnel lui-même émet des réserves sur sa validité. Le Conseil d'Etat le déclare inconstitutionnel par 42 voix contre 12.

Dans sa majorité cependant, le peuple français consulté se contente de la pensée ,que le principe démocratique et l’esprit de justice président à sa décision.

Mesure-t-il la dis­tance qu'il a prise au fil des ans avec la charge que lui conférait l'Histoire comme avec les engagements solennels de ses gouvernements ?

S'interroge-t-il sur le sort réservé aux popu­lations algériennes par l’organisation révolutionnaire qui s'est levée sept ans et demi plus tôt en vue de se les soumettre ?

Toujours est-il qu'il se satisfait de se débarrasser du fardeau, et de retrouver la paix.

L'aspect le plus sensible des « accords d'Evian » concerne les personnes qui, en Algérie, vont avoir à en supporter les effets. Or, les Européens ne reçoivent dans la lettre des textes qu'un semblant de protection; quant aux musulmans, ils ne reçoivent aucune garantie.

Les non-musulmans sont en Algérie un million. Les musul­mans attachés à la France, naguère encore engagés auprès d'elle à titre civil où militaire, compromis avec elle, et par suite désireux de rester Français sous la protection de la loi française sont encore au moment d'Evian, de l'avis unanime des experts, un million au moins; sans doute davantage. La « tendance » hostile au F.L.N. et à l'indépendance, comprenant ces deux catégories, totalise donc au minimum

20 % de la population. Néanmoins elle n'a pas eu part à la négociation (1), menée exclusivement avec le G.P.R.A. Le référendum d'autodétermination devant se faire au suffrage universel et au collège unique, cette minorité

pro-française est assurée d'être écrasée par une majorité maintenant acquise au camp adverse.

(1) Pas plus que les habitants du Sahara, lequel n’a jamais fait partie de l'Algérie

Parmi cette forte minorité restant pro-française envers et contre tout, les musulmans ne font l’objet d'aucune mention dans les « accords ». La nationalité française qu'ils sont désireux de conserver leur est refusée implicitement.

Assurés, la plupart d'entre eux, d'avoir à endurer la vengeance du F.L.N. pour avoir cru en la parole de la France et servir sa cause, ils se voient livrés par leur gouvernement à la loi du nouveau maître, sans recours possible.

Quant à l'autre catégorie, celle désignée dans les « accords » sous le terme de

« citoyens Français de statut civil de droit commun », c'est-à-dire principalement les Algériens de souche européenne, ils se voient certes accorder formellement des garanties relatives à leurs droits civiques et à leurs biens. Mais celles-ci sont illusoires. En effet il n'est prévu aucune sanction contraignante pour le cas où ces « garanties » souscrites par le G.P.R.A. ne seraient pas respectées. Par conséquent rien n'assure qu'elles le seront. Les européens sont laissés sans défense réelle devant un pouvoir de fait.

Pour résoudre ce problème essentiel de la « garantie des garanties », diverses formules ont été suggérées, à l’approche de la négociation finale. Hormis celles de partition a l'image d'Israël ou de l'Irlande, les plus plausibles d'entre ces formules s'inspiraient d'une structure fédérale a l'exemple du Liban ou de la Suisse, voire du Canada. L'assurance proposée dans ce cas était un statut de communauté autorisant la minorité à opposer son veto à toute mesure contraire aux accords et lui permettant, moyennant certaines délimitations territoriales, de faire sécession s'il était passé outre à ce veto, L’un et l'autre de ces droits faisant l'objet à leur tour de garanties internationales... Rien de tel dans les accords d'Evian.

A cette absence de « garantie des garanties » on opposera que d'autres clauses des accords donnent au gouvernement français - politiquement parlant - les moyens de rétorsion nécessaires : telles, le maintien en Algérie pendant trois ans d'une armée Française de 80 000 hommes, ou encore l'assistance financière, technique et culturelle de la France appelée « coopération ». Or, user de la force serait, en droit international, une agression et en pratique, un retour à la guerre : ce dont le pouvoir a démontré qu'il ne veut à aucun prix. Sans aller jusque-là, remettre en cause la coopération constituerait un aveu d'échec, inacceptable pour le général De Gaulle - comme la suite le confirmera - . Sans même user de ces moyens, le simple fait d'en laisser sentir la menace conduirait trop sûrement le nouvel Etat à dénoncer les accords, et avec eux les garanties qu'ils contiennent.

A les prendre juridiquement, les « accords d'Evian » n'engagent que la France, et non l’Algérie : c'est là, en définitive, leur vice fondamental. Ces « accords » ont en effet été conclus avec un organisme qui - conformément à la volonté du

gouvernement Français - ne représente pas légalement l'Algérie. ils ne lient donc en rien l'Etat algérien encore à créer.

Leurs clauses et notamment les « garanties » qu'elles comportent ne vont donc être appliquées que dans la mesure où le futur gouvernement algérien en décidera souverainement ainsi.

II sera loisible à ce gouvernement soit de violer dans leur esprit ou dans leur lettre les « accords » conclus par le G.P.R.A., soit de les dénoncer purement et simplement. Rien dans les textes ne permet à la France de s'y opposer; son unique recours serait la cour Internationale de justice de La Hayes. D'un autre point de vue, la violation des accords parait d'autant plus probable à court terme que les quelques enga­gements pris par le G.P.R.A. en faveur des européens surtout, vont nécessairement se trouver en contradiction avec les visées révolutionnaires nourries de tout temps par le F.L.N. au-delà de ses objectifs de guerre : il ne peut faire de doute que les impératifs de la Révolution bénéficieront d'une priorité sur les obligations morales contractées à Evian, et que les Français d'Algérie feront les frais de ce conflit, - comme Ie ministre Buron l’a pressenti aux Rousses.

En outre l'histoire voudra, comme pour achever de libérer de leurs engagements les responsables algériens, qu'aussitôt l'indépendance acquise Ben Khedda, le signataire des accords, soit chassé du pouvoir par un coup d'Etat et remplacé par Ben Bella qui, lui, ne les a pas signés, ni même approuvés.

Le G.P.R.A. n'attendit guère pour faire connaître quelle valeur il fallait attribuer à sa signature. « L'indépendance n'est qu'une étape, la Révolution continue » : tel fut immédiatement après Evian le slogan du F.L.N. Et les commentaires officiels d'exposer aussitôt que les « accords » pourraient être remis en cause autant que de besoin.

Fin mars, le porte-parole officiel du G.P.R.A. en Amérique Latine, Belhocine, expliqua que les concessions faites par le F.L.N. à Evian étaient bien peu de choses à cote de celles consenties par la France. En outre, déclara-t-il, les conces­sions du F.L.N. sont provisoires tandis que celles de la France sont définitives. Lorsqu'il sera au pouvoir, ajouta-t-il, le F.L.N; face à une France « prisonnière des accords » pourra revenir sensiblement sur ses promesses.

En avril, Chanderli, le représentant permanent du G.P.R.A. New York, quasi accrédité auprès de I'O.N.U., y présenta les accords d'Evian comme provisoires et pouvant être dénoncés à tout moment si tel était l'intérêt de l’Algérie.

En France, le pouvoir tout le premier ne se fit guère d'illusions, si l’on en juge par les commentaires que les plus hauts responsables se gardaient de faire en public.

« Ma signature figure au bas d'un bien étrange document » notait Robert Buron, le ministre-négociateur, dans son carnet personnel à la date du 18 mars, au soir d'Evian. Et il ajoutait: « Je n'en éprouve aucune satisfaction véritable » (1).

Le lendemain 19 mars, en conseil des ministres, le prési­dent de la République devait reconnaître lui-même le caractère aléatoire des accords, en déclarent (2) :

C'est une issue honorable. II n'est pas nécessaire d'épiloguer sur ce qui a été fait ou n'a pas été fait naguère. Les hommes sont les hommes et peuvent se tromper. Mais il était indispensable de dégager la France d'une situation qui ne lui procurait que des malheurs. Que les accords soient aléatoires dans leur application, c'est certain. Nous aurons à faciliter les choses à cette Algérie qui va apparaître. Mais on ne pouvait pas l’empêcher de naître et il faut lui donner

sa chance. Quant à la France, il sera nécessaire qu'elle s'intéresse maintenant à autre chose. »

(1) R. Buron : « Carnets politiques de la Guerre d'Algérie », édit. Plon.

(2) Louis Terrenoire : « De Gaulle et l’Algérie », édit. Fayard.

Mais la veille, sitôt acquises les signatures à Evian, le chef de l'Etat s'était adressé à la nation pour lui présenter comme étant « la solution du bon sens poursuivie ici sans relâche depuis tantôt quatre années » les accords, dont il

disait en les rendant publics : ils « satisfont la raison et la France » (1)

(1) Allocution radiotélévisée du 18 mars 1962



 
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