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JE NE REGRETTE RIEN
Par Pierre SERGENT
Chez Fayard

LE  PUTSCH ET LA LÉGION ÉTRANGÈRE

 EXTRAIT – Partie 1

 P.377 à 392

De la villa, la vue était sublime. Une Méditerranée de carte postale, immobile et violemment colorée par un soleil vertical. Midi sur la ville blanche.

Située sur les hauts d'Alger, cette villa des Tagarins dominait la baie. Là-bas, sur une éminence, parmi les eucalyptus, se dressaient les murailles blanches du Fort-l'Empereur, édifié par Charles Quint... Mais l'heure n'était pas aux méditations historiques ni aux émotions touristiques. Et l'homme tourné vers ce merveilleux paysage n'était nullement enclin à la poésie, malgré un regard bleu, presque transparent. Il tirait méthodiquement sur une courte pipe recourbée.

C'était le général Challe.

Le général Challe attendait le commandant de Saint-Marc.

Ce vendredi 21 avril, Challe était arrivé aux Tagarins, accompagné du colonel Broizat et du général Zeller. La veille, à 1heure du matin, tous trois avaient atterri en secret à Blida, après avoir pris clandestinement l'avion en métropole, à l'aérodrome militaire de Creil. Et ils se retrouvaient à Alger, dans cette villa où un petit état-major occulte préparait la conquête de la cité.

Pour l'essentiel, le plan prévoyait le mouvement d'une unité, la plus sûre : le 1er régiment étranger de parachutistes. A eux seuls, les légionnaires prendraient la ville. Ils seraient toutefois aidés par une unité de parachutistes dont l'objectif était ce fort de Charles Quint où, gardées par le colonel de gendarmerie Debrosse, se tenaient les autorités civiles d'Alger qu'entouraient quelques poignées d'officiers supérieurs.

Le 1er R. E. P. assurerait donc le gros du travail. La caserne Pélissier, où siégeait le corps d'armée d'Alger : objectif de la 1re compagnie, dont le commandant était assisté par le capitaine Rubin de Cervens et le lieutenant Godot, et de la 2e compagnie, aux ordres du lieutenant Oliviet Picot d'Assignies. Les émetteurs radio d'Ouled-Fayet : 3e compagnie du capitaine Estoup. La Délégation générale : compagnie portée du lieutenant Durand-Ruel. L'école de police d'Hussein Dey : la compagnie d'accompagnement, avec les capitaines Ponsolle et Carreté. La 4e compagnie du capitaine Bonelli serait tenue en réserve.

Pas de problème. Sauf un, et de taille : le commandant du 1er R. E. P. n'était pas encore inscrit sur l'organigramme. Il ignorait tout du projet, et l’état-major des putschistes ne savait pas quelle serait son attitude. Accepterait-il d'emmener son régiment sur les voies de la rébellion, en unité constituée? Ou bien refuserait-il?

On pouvait hésiter. Cet officier était sans doute le plus pur de tous. Mais cette pureté était comme une lame à double tranchant. Certes, elle le portait à la sympathie pour une telle entreprise, où l'honneur avait la signification de la victoire et l'apparence de la trahison. Elle le poussait également à la rigidité de la discipline, où l'honneur avait le goût de l'amertume et les couleurs du devoir. Que jugerait, où pencherait cet officier? Sur quel tranchant de la lame sa volonté s'appuierait-elle ? Se déchirerait-elle ?

C'était le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc. Depuis trois jours, il assurait par intérim le commandement du 1er R. E. P., en l'absence de Guiraud, en permission.

Quel choix serait celui de Saint-Marc? Oui? Alors, hiérarchiquement, uniformément, efficacement, le régiment se mettrait en marche vers Alger, aux ordres du général Challe. Non? Alors les capitaines, qu'ils soient revenus en secret de la métropole où ils avaient été mutés ou qu'ils aient conservé le commandement de leur compagnie, se chargeraient individuellement d'entraîner leurs hommes. Quant à Saint-Marc, il serait consigné à Alger, sous la garde de ceux qu'il avait commandés.

Le plein succès de l'opération dépendait donc en grande partie de la réponse du commandant du 1er R. E. P. Un refus aurait entraîné un flottement dans les mouvements du R. E. P. et, qui sait, des défections. Voilà où l'on en était à un peu plus de douze heures du déclenchement de l'affaire : on ne savait pas si l'unité fer de lance, sans laquelle rien ne pouvait être tenté, serait ou non commandée.

Vers 11 heures, Challe avait envoyé le capitaine Bésineau au camp de Zéralda, où le R. E. P. était au repos. Le capitaine devait revenir avec le commandant.

A 12 h 30, la jeep stoppait devant la villa des Tagarins. Souplement, le grand officier en descendit. Sous le béret vert, le visage émacié, aux traits coupants, était impassible. Saint-Marc, très mince, très droit dans sa tenue léopard, entra. Challe le reçut immédiatement dans la pièce qui lui servait de bureau.

Tout à côté, quelques lieutenants et capitaines, presque tous du R. E. P., presque tous déjà des clandestins. Il y avait là un bloc de silence et de force : Degueldre. Le lieutenant eut un maigre sourire :

« S'il refuse, dit-il, nous l’enfermons ici. »

Personne ne souleva d'objections. Tous attendaient, avec angoisse. Ce n'étaient pas tant les difficultés d'ordre technique qu'ils redoutaient si Saint-Marc refusait, mais une ombre morale sur leur entreprise. Par lui, le régiment serait soulevé comme un seul homme. Ce serait un drapeau. Sans lui, la rébellion individuelle des capitaines et des lieutenants n'aurait plus cet aspect de symbole. Il n y avait peut-être qu'un Degueldre pour rester indifférent à la décision du commandant. Lui, très tranquillement, avait déjà passé le point de non-retour.

L'attente dura une heure. Challe parlait. Des mots simples et forts, qui n'étaient que l'écho de toutes les pensées de Saint-Marc. La fidélité aux populations, aux combattants, à la parole donnée... L'honneur... L'espoir, le dernier espoir... Le poids politique du succès de la révolte...

« Nous ne voulons ici que tenir les promesses du 13 mai, conclut le général. Ce ne sera ni un coup d'État fasciste ni une revanche raciste. Êtes-vous des nôtres, cette nuit? Il me faut tout de suite une réponse. »

Saint-Marc se leva, fit quelques pas, se retourna brusquement vers Challe : oui, il était prêt à se joindre au coup de force...

« A une condition, mon général : qu'il n'y ait, de notre part, aucune violence inutile, aucun règlement de compte. »

C'était aussi la condition que Challe avait mise à sa participation : sur ce point crucial, il rassura le commandant.

La porte s'ouvrit enfin. Saint-Marc était pâle. Il prit avec lui le capitaine commandant la 1re compagnie et l'emmena dans une pièce voisine. Le commandant le fixa droit dans les yeux et, d'un ton un peu solennel qui ne lui ressemblait pas, dit :

« J'ai décidé de répondre oui au général Challe. »

Pour le 1er R. E. P., le sort en était jeté. Quelle que fût l'issue, il entrerait dans l'histoire comme un régiment mutiné. Hélie Denoix de Saint-Marc fit comme d'habitude une entrée marquée, et ces dames de la 10e D. P., les dignes épouses des généraux et des colonels de l'état-major de la division, montrent un visage souriant : le commandant du R. E. P. était superbe dans son uniforme de sortie. Grand et svelte comme un jeune premier. L'air souriant, lui aussi, Saint-Marc s'inclina devant son hôte, le général Saint-Hillier qui, en cette soirée du 21 avril 1961, offrait un dîner.

« Mes respects, mon général. »

Pauvre général Saint-Hillier. S'il avait su, en cet instant même, quelle était la mesure des respects du commandant de Saint-Marc! Pour donner le change, il avait été décidé, au cours de ce fiévreux après-midi des Tagarins, que Saint-Marc se rendrait au dîner de la 10e D. P. Le capitaine Bésineau, que le général avait également invité, raccompagnerait.

Tout en faisant des mondanités, le commandant se remémorait les décisions de l'après-midi. Le mouvement avait été minutieusement organisé, comme une véritable opération militaire. Tous les bâtiments que devaient occuper les compagnies ou les sections du R. E. P. avaient fait l'objet de notes détaillées concernant les horaires, les itinéraires, la configuration des lieux, le matériel nécessaire, la conduite à tenir. Afin d'éviter les erreurs possibles, on avait même prévu, pour guider les différents commandos, des civils algérois prêtés par les animateurs de l'activisme local. Ils devaient faciliter l'entrée du régiment à Alger.

L'entrée du régiment à Alger, pensait Saint-Marc à la table du général Saint-Hillier... Tout en jetant de discrets coups d'œil à sa montre, il suivait une conversation plutôt frivole où il était bien entendu question de ces stupides rumeurs de putsch. Les épouses des généraux, sans doute, frissonnaient : un putsch militaire. Au fond, c'était une révolte des fantômes que chaque officier, fût-il général, promenait dans son cœur depuis l'enterrement de l'Algérie française. Rien de sérieux, donc. Un rêve qui passe, comme dans le tableau d'Edouard Détaille. Tout le monde en parlait tellement que plus personne n'y croyait.

A ce moment, songeait Saint-Marc, Degueldre a emmené les officiers arrivés clandestinement de métropole à Zéralda-plage, à l'Hôtel des Sables d'Or. Pas question que ceux-ci se montrent au camp tout de suite. Il y a encore quelques officiers qui ne sont pas au courant, sans compter la majeure partie des sous-officiers, ni bien entendu la totalité des légionnaires. Dans quelques heures, plusieurs centaines de soldats vont entrer en rébellion, et ils n'en savent rien! Miracle de la discipline, de la discipline jusque dans l'indiscipline! Legio patria nostra...

Pour éviter d'attirer les soupçons, le contingent habituel de « permissions de spectacle » ou de permissions de nuit avait été accordé aux hommes. Il ne fallait pas oublier que, depuis les sanctions infligées au colonel Dufour et la mutation d'urgence de neuf officiers du R. E. P., c'était le régiment dans son  ensemble qui se trouvait dans le collimateur. Les journaux avaient même écrit que le ministère des Armées envisageait sa dissolution !

Une nouvelle fois, Saint-Marc jeta un coup d'œil à sa montre. Dans peu de temps, avec Bésineau, il lui faudrait se lever et prendre congé de ses hôtes. Ce serait l'adieu de la jeune armée à l'armée des généraux. Un adieu peut-être définitif.

Le général Challe avait fixé l'heure H à 2 heures du matin, moment où tous les objectifs devaient être atteints. En quelques instants, si tout se passait bien, le 1er R. E. P. serait maître d'Alger. Sans effusion de sang. Mais à l'heure du dessert du général Saint-Hillier, l'ambiance de Zéralda n'était pas encore à l'imminence d'un putsch.

Au camp de Zéralda, la rumeur s'amplifiait : il se passait quelque chose. Une opération de maintien de l'ordre? Des consignes avaient été données pour la perception de l'armement et des munitions. Comme cela se passait avant les départs en opération. Mais les camions du G. T. 507, qui transportaient habituellement les légionnaires du R. E. P., n'étaient pas là. Basés à Staouéli, ils arrivaient à Zéralda et se rangeaient dans la pinède. Souvent, c'était à la tombée du soir. Les légionnaires, dès qu'ils entendaient le ronronnement des moteurs, se disaient que, cette fois encore, la nuit serait courte.

Cette nuit du 21 avril ne s'annonçait pas comme les autres. D'abord, on venait d'y voir des fantômes! Un Dodge bâché avait pénétré dans le camp et s'était arrêté devant les P. C. des compagnies. En additionnant les rumeurs, on alignait les revenants : les officiers mutés par mesure disciplinaire, comme le capitaine Ponsolle, les lieutenants de La Bigne, Labriffe et Godot. . . Le retour de ces ombres dans la nuit signifiait une aube extraordinaire.

L'incertitude ne dura pas. Au P. C. de la 1re compagnie, le premier bâtiment à droite dans la grande avenue du camp, les choses allaient rondement et le voile se déchirait sans à-coups, comme un rideau qui s'ouvre. En silence, extrêmement attentifs mais négligeant de marquer leur stupéfaction — la classe! — , les cadres de la compagnie, qui, pour la plupart, ignoraient tout l'instant d'avant, écoutaient les ordres incroyables :

« Notre objectif, disait le capitaine, est le corps d'armée d'Alger. Autrement dit, nous devons nous emparer de la caserne Pélissier. L'objectif doit être atteint à 2 heures du matin. Et quoi qu'il arrive, exactement comme nous l'avons toujours fait dans les djebels, l'objectif sera atteint. Rien ne nous empêchera de remplir notre mission. »

Le capitaine marqua une pause et reprit:

« Je dis bien : rien ne nous empêchera de remplir notre mission. »

Du regard, il interrogea ses subordonnés. Instinctivement, ceux-ci s'étaient mis au garde-à-vous. L'un après l'autre, les chefs de section répondaient :

« Aucun problème, mon capitaine, la mission sera accomplie ! »

La mission se présentait mal. Saint-Marc, qui avait troqué son uniforme de fin drap kaki contre le treillis bariolé, convoquait une nouvelle fois les commandants de compagnie. A 23 heures, déjà, à son retour de la 10e D. P., il leur avait fait part de ses préoccupations. D'Alger à Zéralda, il avait remarqué un mouvement inhabituel de patrouilles de gendarmes. Les permissionnaires avaient confirmé la chose à leur retour au camp. Cette agitation était suspecte. A présent — il était minuit —, cela ne faisait plus de doute : l'alerte était donnée à Alger. Les derniers sous-officiers permissionnaires avaient croisé en chemin des blindés de la gendarmerie en position sur la route de Zéralda à Alger. Les gendarmes installaient des barrages.

Que faire? Renoncer? Pas question! Le commandant ne remettait pas en cause la mission fixée au régiment. Il avait dit oui. Ce n'était pas un « oui mais » ni un « oui peut-être ». Le choix de Saint-Marc était irréversible. Encore fallait-il mener à bien la mission.

Changer l'itinéraire? C'était peut-être la solution si l'on voulait éviter l'affrontement direct avec les gendarmes. A son P. G, le commandant de Saint-Marc étudiait la carte du Grand Alger.

Soudain, le lieutenant Godot, qui se tenait un peu en retrait, tira discrètement par la manche le commandant de la 1re compagnie qui se retourna :

« Mon capitaine, murmura Godot, il ne faut pas changer le plan. Sinon, ça foirera ! »

Petite phrase anodine, que quelqu'un devait prononcer pour briser les hésitations, casser le destin contraire, emporter la décision. Le capitaine regarda Godot comme si le lieutenant avait trouvé la clé du succès. Voyons ! C'était évident !

« Mon commandant, dit-il à son tour, il ne faut rien changer. Si nous modifions les ordres, nous risquons de créer la contusion... Allons-y comme prévu! Tant pis si... »

Le téléphone sonna, coupant des mots qui auraient pu être définitifs. Saint-Marc décrocha et, soudainement pâli, coiffant de sa main le micro du combiné, murmura à l'intention de ses officiers :

« C'est Gambiez ! »

La journée du 22 avril 1961 venait de commencer depuis quelques minutes, et le général commandant en chef les troupes françaises en Algérie appelait au téléphone le commandant du 1er R. E. P. Il venait directement aux nouvelles. Le sommet de la hiérarchie, s'inclinant, sautait quantités d'échelons. Cinq étoiles à quatre galons. Cinq étoiles qui tremblotaient dans le firmament d'un ciel d'avril. Les quatre galons répondaient imperturbablement :

« Tout est parfaitement normal, mon général... Non, non, mon général, pas le moindre mouvement de véhicules... Non, mon général, rien de prévu... C'est entendu, mon général... Mes respects, mon général... »

Saint-Marc, menteur! Le Rubicon, en même temps que passait minuit, était véritablement franchi. Le commandant raccrocha lentement et répéta :

« C'était Gambiez! »

II avait l'air un peu abasourdi. L'étonnement d'avoir si aisément trahi la vérité ? Plutôt l'inquiétude. Alger, alors que rien n'était déclenché, était sur les dents. Gambiez, avec le ton d'un surveillant général se doutant que la classe va commencer à chahuter, avait interrogé le bon élève. Quelqu'un avait « cafardé ». On avait signalé des mouvements de camions entre Staouéli et Zéralda, c'est-à-dire entre le G. T. 507 et le 1er R. E. P. Ce qui était parfaitement exact. Les G. M. C. du groupement de transport allaient arriver d'un instant à l'autre.

Que faire, demandait Saint-Marc? Partir comme prévu, 1re compagnie en tête, répondaient les officiers. Et dans les P. C. de compagnies, les capitaines concluaient l'ultime briefing : il faudrait peut-être utiliser les armes, mais ne tirer que sur l'ordre formel des officiers. Dans la fièvre du départ prochain, les belles résolutions du commandant de Saint-Marc et du général Challe s'effritaient au niveau des exécutants. Les légionnaires n'allaient quand même pas se faire hacher par les gendarmes sans riposter et donner leur mesure. Légionnaires-parachutistes contre gendarmes mobiles. Du gâteau.

La 1re compagnie était rassemblée.

« Présentez... Armes! »

 Les légionnaires regardaient avancer leur capitaine. Il sortait de l'ombre et arrivait sur le terre-plein éclairé, derrière le casernement. Ils ne l'avaient pas vu depuis cinq mois. Un beau jour, on leur avait annoncé qu'il était muté pour raison disciplinaire et il avait disparu. Après cette longue absence, il revenait en pleine nuit. C était étrange. Le capitaine s'arrêta à dix pas de la compagnie et salua.

Il regarda ses légionnaires. Quelques têtes nouvelles. Beaucoup d'anciens dont les yeux brillaient; au premier rang, les sous-officiers qui esquissaient un sourire de fierté et de connivence. Le sergent Dodevar était là, paquet de nerfs noués par le sang-froid. Rolf Steiner aussi, dont les traits rudes et le regard bleu deviendraient célèbres dans le monde entier dix ans plus tard, après une épopée de colonel mercenaire. Le capitaine était ému par ces retrouvailles, bien plus qu'il ne le montrait...

« Nous allons à Alger, dit-il d'une voix forte. Le général Challe a décidé de reprendre le commandement en chef en Algérie... pour gagner cette guerre. »

Un frisson parcourut les rangs des légionnaires. Les hommes déjà tendus relevèrent la tête. Le silence atteignit une densité palpable. On ne voulait perdre le moindre mot de ce que disait te capitaine :

« Je suis revenu avec le général Challe. Les autres officiers mutés aussi. Nous avons juré de prendre Alger cette nuit. A 2 heures du matin, tous les objectifs doivent être atteints. Le général Challe compte sur nous. »

D'un coup, tout devenait clair pour les légionnaires : la distribution de l'armement, les dotations de munitions, l'excitation des sous-officiers. C'était donc ça ! On allait enfin mettre de l'ordre dans cette pagaille. Le capitaine détacha ses mots :

« Le succès repose essentiellement sur le 1er R. E. P. La compagnie sera en tête. Nous nous sommes engagés à passer. Nous passerons. »

L'enthousiasme embrasa les cœurs. Les dégoûtés, les désabusés des mois derniers faisaient place aux guerriers enivrés. Comme aux beaux jours de Guelma, au moment où tomba « Soleil », le colonel Jeanpierre, disparaissant à l'horizon dans toute la gloire et la majesté du R. E. P.

« Moteurs en route! En avant! »

Dans la jeep de tête, l'ambiance était tendue, nerveuse. L'attitude de la colonne dépendait des deux capitaines qui se trouvaient à bord, Rubin de Cervens à l'arrière, et son prédécesseur à la tête de la 1re compagnie sur le siège avant, près du chauffeur. Devrait-on forcer les barrages? Parviendrait-on à Alger sans coup férir ? Faudrait-il ouvrir le feu si les gendarmes épaulaient leurs armes? La 1re compagnie, l'ancienne « bande à Loulou », était un outil d'une redoutable efficacité. Derrière, dans les camions, se trouvaient des hommes de guerre rompus à tous les combats, des machines parfaites, froides et brillantes comme l'acier poli du rouleau compresseur. Le convoi déferla. Symboliquement, au passage du petit dos-d'âne qui se trouvait à cent mètres du camp, ce fut comme une houle qui parcourait la longue colonne du R. E. P. Et puis, soudain, tout près, au premier carrefour, s'imposa la vision des lampes qui piquetaient la nuit : le premier barrage de gendarmes...

Stupéfaction et soulagement. Les deux capitaines de la jeep de tête se regardèrent. En agitant leurs lampes, les gendarmes avaient fait signe de passer. Le convoi du régiment révolté roulait maintenant sur ta route nationale d'Alger. Rien au grand carrefour Guyotville-Cheragas. Puis, brusquement, deux ou trois kilomètres plus loin, se découpant nettement dans la lumière des phares, des barbelés, des hérissons garnis de pointes de fer, un groupe sombre de gendarmes.

« Freine, Sladeck! »

La jeep stoppa à quelques mètres du barrage routier. Peu à peu, tout le convoi s'immobilisa. Derrière les véhicules de la 1re compagnie, la jeep du commandant de Saint-Marc laissait tourner son moteur au ralenti. Une autre jeep arriva à sa hauteur. C'était Degueldre. Le lieutenant avait un demi-sourire :

« Ne bougeons pas, mon commandant, dit-il. On va bien voir... »

Là-bas, devant le barrage, le capitaine du R. E. P. qui se trouvait à l'avant de la jeep sauta à terre. Un capitaine de gendarmerie s'approcha.

Dans la lueur des phares, les deux officiers s'affrontaient, le légionnaire et le gendarme, le treillis léopard et le treillis kaki. Deux hommes également pâles. Dialogue rapide :

« Où allez-vous? Mission à Alger. La circulation est interdite.

Qu'est-ce que cela signifie? »

Finalement, le gendarme accepta de demander par radio au corps d'armée d'Alger si le 1er R. E. P. avait l'autorisation de passer :

«Suivez-moi en jeep. Mon poste radio est un peu plus loin, derrière le tournant.»

Passant des chicanes, la jeep des légionnaires suivit celle des gendarmes, qui disparut bientôt derrière le tournant. Le capitaine du R. E. P. eut une inspiration :

« Stop, Sladeck! Vite, demi-tour! »

La jeep revint à hauteur du barrage.

« Nous avons l'autorisation de passer! » cria le capitaine aux gendarmes.

Docilement, ceux-ci écartèrent les barbelés et repoussèrent les hérissons. Le convoi s'ébranla, prenant tout de suite de la vitesse.

« Un peu trop facile! s'exclama Rubin de Cervens. Schnell

 Sladeck, schnell! La prochaine fois, il faudra foncer. »

La prochaine fois, ce fut à peine 1 kilomètre plus loin. Une jeep était placée en travers de la route. Derrière, plusieurs rangées de hérissons. Devant, les poings sur les hanches, les jambes écartées, un capitaine de gendarmerie : le même.

Sladeck s'arrêta pile. Le coup de frein avait été si brutal que Rubin de Cervens, projeté hors de la jeep, se retrouva sur la chaussée. Pas de mal. Mais les deux capitaines pouvaient houspiller le gendarme, feignant une violente colère. Comment ? On ne voulait pas les croire? Que l’on vienne donc s'assurer de l'authenticité des ordres auprès du chef de l'unité, le commandant de Saint-Marc, qui se trouve au milieu du convoi!

Un peu hésitant, l'officier de gendarmerie acquiesça. Ses hommes, menaçants, étaient plaqués dans les fossés qui bordaient la route. Une double ligne de canons de mousquetons était braquée sur les véhicules du R. E. P.

Les deux capitaines avaient échangé un coup d'œil. Le premier, remontant la colonne, précédait l'officier de gendarmerie. Le second attendit trente secondes et s'approcha du G. M. C. de tête, où les légionnaires de la 1re section que commandait Godot attendaient, silencieux, les événements. La bâche arrière était relevée.

« Allez! fit le capitaine Rubin de Cervens. Débarquez! Fichez-moi en l'air ce barrage! »

Les hommes sautèrent souplement sur la chaussée. Au même instant, laissant pantois l'officier de gendarmerie, le premier capitaine fit demi-tour et courut vers la jeep. Déjà, le groupe de combat de la 1re section avait poussé les hérissons sur les bas-côtés. Déjà, les légionnaires remontaient en voltige dans leur G. M. C. Déjà, Sladeck embrayait. La jeep démarra en trombe. Instinctivement, ses occupants rentraient la tête dans les épaules.

Les gendarmes ne tirèrent pas. Couchés dans les fossés, présentant les armes à l'horizontale, ils formaient une haie d'honneur, tandis que le 1er régiment étranger de parachutistes roulait pleins phares vers son destin.

Jusqu'alors, le destin n'était pas contraire. La rigueur militaire, qui avait présidé aux opérations à défaut de l'imagination politique, y trouvait son compte : quelques minutes avant 2 heures du matin, le R. E. P. atteignait ses objectifs. Deux barrages avaient encore été franchis, le premier sans difficulté, le deuxième dans le mouvement, le G. M. C. de tête fonçant dans les rouleaux de barbelés et bousculant une jeep de gendarmes. Là encore, les représentants de l'ordre n'avaient pas fait usage de leurs armes. L'ordre changeait-il de camp?

Encore fallait-il s'emparer de ces lieux où se dispensait l'autorité. Les véhicules de la 1re et de la 2e compagnie étaient rangés derrière la caserne Pélissier. Immobile, les mains accrochées à ses bretelles de suspension, Saint-Marc contemplait les sombres bâtiments où brillaient — fait significatif — quelques lumières. Et, reprenant à son compte le fameux « De quoi s'agit-il?» l'interrogation de Foch que l'on apprend dans les écoles de guerre, le commandant eut ce mot :

« Quoi faire? »

II s’adressait moins aux deux capitaines de la 1re compagnie, debout à ses côtés, qu'au Sphinx de la nuit. Au pied du mur, le commandant réalisait l'énormité de la tâche, la réaction en chaîne. On commence par prendre — littéralement — la route d'Alger. Après, il faut prendre le corps d'armée d'Alger. Après, l'armée et Alger. Après... Le vertige était sans limite et méritait les interrogations premières.

« Quoi faire? répétèrent les deux capitaines. Suivre le plan prévu ? Tenter le coup ?»

Le coup, éprouvé depuis Troie, consistait à s'introduire par la ruse chez l’ennemi et à ouvrir les murailles aux amis. A cet usage, le commandant de la 1re compagnie avait pris à Zéralda une grande enveloppe remplie de papier blanc, mais portant le nom d'un officier du corps d'armée. Gauduin, l'adjudant-chef responsable du secrétariat du régiment, pilier inamovible du 1er B. E. P. et du 1er R. E. P., y avait apposé une demi-douzaine de tampons rassurants. La ruse prendrait-elle?

La jeep de Sladeck contourna le bâtiment et le capitaine se présenta à la grille d'entrée :

« L'officier de permanence ? » demanda-t-il en agitant l'enveloppe.

Le sous-officier du poste de police était perplexe et, après quelques instants d'hésitation, laissa entrer ce capitaine, en béret vert, qui insistait tellement.

« Je vous donne un homme qui va vous conduire là-haut, dans les bureaux. »

Là-haut, au deuxième étage, c'était l'agitation. Plusieurs bureaux étaient éclairés. Une porte s'ouvrit. Le capitaine se trouvait nez à nez avec un colonel rubicond, sans allusion au fleuve du même nom. L'officier supérieur regardait d'un air soupçonneux ce jeune capitaine des Bérets verts qui lui racontait qu'il avait été convoqué au corps d'armée et que sa compagnie était à la disposition du général.

Il suffit de parler du loup. Soudainement, ayant surgi d'un bureau, catapulté par la colère, le général était là : Vézinet, commandant le corps d'armée d'Alger.

« Qu'est-ce que vous foutez là, à 2 heures du matin? »

Le général ne se contenait pas. Il gesticulait. Le capitaine conserva son calme. Il montra l'enveloppe.

« Mon général, j'ai été convoqué... commença-t-il.

—  Foutez-moi le camp immédiatement! Qu'est-ce que c'est que ce bordel? Qu'est-ce que c'est que tous ces camions qui viennent à Alger ? Retournez tout de suite à votre cantonnement, vous m'entendez ? Sinon, je vous fais tirer dedans !

—  Bien mon général.

—  Et d'abord, qu'est-ce que c'est que cette enveloppe? Donnez-moi ça! »

Le général saisit l'enveloppe. D'un geste prompt, le capitaine la lui reprit.

L'ébahissement, aussi, était général. Les quelques officiers du corps d'armée que le bruit avait attirés sur le palier contemplaient avec stupéfaction ce manquement intempestif à la hiérarchie.

« Mais... » faisait Vézinet.

Inutile, avait songé le capitaine, qu'il voit que cette fameuse enveloppe ne contient que du papier blanc. Et, preste, il avait tourné les talons. Il descendait l'escalier quatre à quatre, tandis que le général glapissait :

« Attrapez-le ! Attrapez-le ! »

Un colonel et un commandant se lancèrent à la poursuite du fuyard. La vitesse à dégringoler les marches étant inversement proportionnelle au nombre de galons, le capitaine était déjà devant le poste de police quand ses poursuivants atteignaient en soufflant le rez-de-chaussée. Il ralentit, prit un air calme et affairé, et cria :

« Ouvrez la grille! Je suis pressé. »

La sentinelle ouvrit. Le capitaine avait un pied dehors quand iI entendit !

« Fermez la grille ! Arrêtez-le ! »

II bondit dans la jeep, et Sladeck démarra bruyamment.

« Alors? demanda le capitaine Rubin de Cervens.

—  Le cirque! » fit l'autre.

Effectivement, le putsch commençait en bouffonnerie. A présent, il fallait y aller en force. La mission exploratoire du capitaine avait donné au moins ce résultat : on savait que tous les officiers du corps d'armée étaient réunis à la caserne Pélissier, et les missions individuelles de neutralisation à domicile devenaient inutiles.

Mais l'alerte était donnée. Partout, le grand bâtiment s'illuminait. Aux fenêtres, on voyait apparaître des armes, tenues par des soldats du contingent, mal réveillés et mal préparés à ce genre de réveil.

Le général Vézinet avait sonné « la diane »(Batterie de tambour, sonnerie de clairon au point du jour pour les soldats).

Le bastion du général Vézinet était de cartonpâte et l'assaut lui-même n'avait été qu'un jeu. Sur les arrières de la caserne Pélissier, les légionnaires de la 2e compagnie jouaient les monte-en-l'air en escaladant les garages. Devant, la 1re compagnie avait profité de l'arrivée d'un capitaine, officier d'ordonnance du général Vézinet. pour s'engouffrer à sa suite par les grilles ouvertes.

A Godot, chef de la 1re section, le deuxième étage, celui des chefs du corps d'armée. La balance était juste : une section de légionnaires-parachutistes pour une pléiade de généraux, colonels et commandants. Tout de suite, le lieutenant Godot, d'ailleurs impavide, s'aperçut qu'il faisait le poids. Il suffisait d'ouvrir la porte d'un bureau, de donner l'ordre de ne pas bouger aux officiers supérieurs qui s'y trouvaient, et de placer devant un légionnaire avec la mission de ne laisser sortir et entrer personne. Avec un légionnaire du R. E. P., la mission serait exécutée, dussent les récalcitrants être, eux aussi, exécutés. Mais il n'y eut pas de récalcitrants.

Si : le général Vézinet. Il occupait le dernier bureau. Godot y entra, suivi de Dodevar, qui balançait son pistolet mitrailleur. La colère de Vézinet n'était pas tombée. Sans un mot, mais avec un regard furieux, le général porta la main à son pistolet. Godot se précipita tandis que Dodevar pointait son P. M. Mais le lieutenant ceinturait le général. Courte lutte absurde que marqua, à défaut de coups, un échange de mots digne de passer à la postérité et qu'effectivement les journaux allaient reprendre, impatients qu'ils étaient de trouver une dimension historique à ces journées :

« De mon temps, souffla le général Vézinet, les lieutenants n'arrêtaient pas les généraux!

De votre temps, riposta Godot, les généraux ne trahissaient pas. »

Comme pour ponctuer cet aphorisme, Dodevar leva son pistolet mitrailleur qu'il tenait par le canon. Il avait repéré sur le mur la photo du général De Gaulle, dans un beau sous-verre. Manifestement, le président de la République, avec sa main posée sur la Constitution, ne disait rien qui vaille au sergent Dodevar. D'un coup de crosse de son P. M., il fracassa le portrait.

Plus tard, le portrait se vengerait.

Et, neutralisé, abattu mais toujours furibond, le général Vézinet fut poussé dans son fauteuil. Il y resta assis, dans l'attitude désolée des hommes que pétrifie l'événement, contemplant le portrait en miettes du Président de la République, méditant sur la dureté de ces temps où les deux ficelles arrêtaient les étoiles. Quelques heures plus tard, alors qu'il serait jeté fort irrespectueusement dans une 403 par un simple sous-lieutenant — une seule ficelle — qui avait mission de l'expédier hors d'Alger, le général aurait cet autre mot, autrement révélateur :

«Croyez-vous que je serai autorisé à garder mon appartement de fonction?»

Pour le moment, en attendant Godard, ce colonel costaud qui avait la réputation méritée d'un Maigret de la guerre subversive et qui devait assumer la responsabilité du corps d'armée, la fonction du général Vézinet était remplie par le commandant de Saint-Marc. Ses légionnaires-parachutistes ratissaient la caserne Pélissier comme ils auraient fait d'un djebel. Ravis de faire enfin la guerre dans les escaliers, ils pacifiaient une caserne peuplée de secrétaires terrorisés et d'officiers dégonflés.

Le régiment était maître des lieux. Il n'y avait pas eu d'effusion de sang.

Toujours l'exception. Au même instant, à l'autre bout d'Alger, le sang coulait. Un homme, un seul, était tué par les Bérets verts, dans un combat douteux. L'unique militaire qui devait payer de sa vie sa fidélité aux ordres reçus, l'unique martyr de la légalité était un simple sous-officier : le sergent Brillant.

La 3e compagnie s'était rangée devant les bâtiments de l'émetteur radio d'Alger, à Ouled-Fayet. Son chef, le capitaine Estoup, parlementait avec le chef de poste, un jeune sergent. Ce dernier se montrait intraitable. Les ordres étaient les ordres, personne ne devait entrer. Finalement, après d'épuisantes minutes, on trouva un compromis :

« D'accord, mon capitaine, vous entrez seul. Vous me suivrez et nous irons téléphoner... »

Ni pour la ruse ni pour la force, le petit sergent n'était de taille. Mais son petit Camerone personnel en ferait un soldat estimable, hélas dans la mort! Il disparut dans le bâtiment central, accompagné d'Estoup à qui un mot avait suffi pour donner les consignes de l'action.

Fulgurants, les légionnaires d'Estoup maîtrisèrent les sentinelles du poste, que l'absence de leur chef laissaient interdits. Ils ouvrirent les grilles. La compagnie s'engouffra. En quelques minutes, tous les effectifs disséminés dans les bureaux, les chambrées, les locaux techniques, étaient neutralisés.

Les insurgés tenaient Radio-Alger. France V redeviendrait Radio-France. Les ondes pourraient porter la parole et les visages d'une rébellion qui, du coup, devenait l'autorité. Mais il restait les transistors et la Voix de Paris qu'allait capter, dirait Challe, tout un « magma d'embusqués » : le capitaine Estoup n'y pouvait rien.

Pour l'heure, il revenait compter les points, le chef de poste sur ses talons. D'un coup d'oeil, le sergent Brillant comprit la situation, sa déconvenue, sa honte. Il blêmit, empoigna le chargeur du pistolet mitrailleur qu'il portait en sautoir, actionna le levier d'armement, visa...

Qu'est-ce qu'il visait, le petit sergent d'Ouled-Fayet? Il était moins rapide qu'un Béret vert, moins habitué... Son cadavre dérisoire gisait dans la lumière crue des projecteurs braqués sur la grande antenne.

Pendant ce temps, les C. R. S. de l'école de police d'Hussein-Dey ne montraient pas la même détermination. Le capitaine Carreté et ses légionnaires de la C. A. les avaient trouvés très compréhensifs, du moins très prudents. Le principe de l'occupation des lieux par les militaires révoltés fut admis sans difficulté par les gradés des Compagnies républicaines de sécurité.

 

Pour sa part, enfin, la compagnie portée du lieutenant Durand-Ruel rencontrait sur son chemin un adversaire de taille, encore que celle-ci fût petite : le général Gambiez. Dans la lueur des phares de ses G. M. C., le jeune lieutenant aperçut un tableau fugitif, une touche de lumière rare traitée par un peintre de l'absurde qui n'aurait jamais sa place dans la célèbre galerie dont il était l'héritier. Durand-Ruel n'en croyait pas ses yeux : debout sur la route, dressé sur ses ergots, les bras en croix, le commandant en chef tentait d'arrêter les camions de la rébellion.

Vision dadaïste...

Gambiez ne s'avoua pas vaincu par le passage inexorable des G. M. C. de Durand-Ruel. Les camions prenaient la direction de la Délégation générale ? Le général irait à la Délégation ! Il se mêla au convoi, sa jeep perdue entre les G. M. C., comme s'il faisait partie de ce mouvement séditieux qu'il s'efforçait de contrecarrer par la seule puissance de sa présence, de son verbe et de ses bras étendus.

Petit Christ sans noblesse, Peynet plus que Zurbaran, Dubout plus que Mantegna, Gambiez étendait une nouvelle fois ses bras en croix. Sur cette fameuse place du Forum, qu'éclairait la lueur fantomatique des réverbères de 3 heures du matin, cette silhouette boudinée en uniforme de général était perdue entre les murs pâles du G. G. et la muraille menaçante et bariolée des légionnaires de Durand-Ruel. « Nimbus » — ainsi appelait-on le général dans les coulisses du corps d'armée — était dans les nuages. Songeait-il vraiment que ses plaintives injonctions pouvaient arrêter l'assaut tranquille des Bérets verts?

Papa, tes enfants ne t'obéissaient plus... Le général fut submergé. Samt-Hillier le suivrait dans ce purgatoire. Et la Délégation générale s'offrit mollement à ses vainqueurs. Ce 22 avril, dans la lumière froide de 3 heures du matin, était un 13 mai spectral, fait de vide et de silence. A 3 h 30, à son P. C. de la caserne Pélissier, le commanfdant de Saint-Marc avait reçu les rapports de ses commandants de compagnie. Toutes les missions étaient accomplies. Il pouvait envoyer à Challe son compte rendu d'exécution. Le R. E. P. tenait les points clés d'Alger. Le putsch avait réussi.

Partie 2
 


 
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