Page Précédente
 
Translate
 
Menu des Plaintes
Cimetière
Forums
 
De Gaulle
 
 

OAS

Raconté par Camille GILLES
Dans son livre : Jésus et ses Apôtres

Editeur JULLIARD 8, rue Garancière Paris
Achevé d’imprimer 19 mars 1973

 Pages 297 à 305

 Partie 1

Le renseignement avait été coté  : valeur 10. Mais Jean-Claude Perez ne voulait pas croire ce que Jésus était venu lui rapporter.

- Ma parole que c'est vrai. Mon informateur est un homme sûr et bien placé au Rocher Noir, c'est lui qui nous a donné les plans et permis d'entrer dans la cité administrative pour déposer les stroungas. Il a vu l'autre jour Jean-Jacques Susini et Roger Caruana en grande conversation avec Farès et Mostéfaï. Il y aurait des accords passés entre Susini et le FLN. La preuve, c'est que les « Z » ont reçu l'ordre hier de ne plus s'en prendre aux melons ni aux forces de l'ordre.

- Non, ce n'est pas possible, ce serait trop gros. Viens avec moi, il faut trouver Jean-Jacques ou Roger.

Pendant une grande partie de la journée, Jean-Claude Perez et Jésus tentèrent de retrouver Susini et son adjoint « l'architecte », mais sans résultat. Susini et toutes ses équipes avaient mystérieusement disparu d'Alger.

Le lendemain, quatre opérations menées par les gendarmes étaient montées contre les différents PC de Jésus.

Onze apôtres furent arrêtés et, parmi eux, celui qui avait été nommé quelques semaines plutôt à la tête des Deltas en remplacement du lieutenant Roger Degueldre : Paulo Nocetti.

En représailles, Jésus décida de s'attaquer le soir même, à un casernement de gendarmes mobiles aux Deux Moulins, près de Saint-Eugène.

 Pendant plus de deux heures, ils harcelèrent le poste au mortier, au bazooka et à la mitrailleuse lourde.

En plein milieu de la bagarre, Jésus s'offrit même le luxe de s'infiltrer à l'intérieur de la caserne, de désarmer la sen­tinelle de faction devant le magasin d'armes et de s'enfuir au volant d'un GMC rempli d'obus de mortier, de grenades, de munitions diverses.

De retour à Bab-el-Oued, il apprit qu'à diverses reprises Jean-Claude Perez l'avait fait demander pour une communi­cation urgente.

 Quand la France entière, à une majorité écrasante, avait approuvé les accords d'Evian et avait répondu oui à la question unique que le général De Gaulle posait aux Français de métropole, à savoir : « Approuvez-vous, le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concer­nant les accords à établir et les mesures à prendre au sujet de l'Algérie sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 ? (accords d'Evian) », Jean-Jacques Susini comprit que cette fois tout était terminé.

Il ne restait qu'une solution : l'espoir d'un arrangement avec le FLN.

Susini voulait faire admettre à ses adversaires d'hier que l'OAS était, elle aussi, un interlocuteur valable.

C'était un choix bizarre mais qui, expliqua plus tard Jean-Jacques Susini, pouvait empêcher l'exode de milliers de Fran­çais.

A partir de ce moment, de plus en plus souvent dans ses conversations avec son adjoint, l'architecte pied-noir Roger Caruana, il faisait allusion à la possibilité de négocier, de trouver une issue, politique plutôt que militaire à l'impasse dans laquelle l'organisation s'était engagée. Au cours de séances de travail avec ses amis, il s'efforçait d'amener les autres chefs des commandos « Z » à partager ses vues.

Mais jamais Jean-Jaques Susini n'avait osé s'ouvrir directement au soviet des capitaines.

Après l'arrestation du Mandarin, Susini décida de faire cavalier seul.

Il ne voyait plus que très rarement les autres membres du brain-trust qui semblaient se méfier de lui. Le fil était coupé.

Pour les décisions à prendre, il recourait aussi souvent que possible à des intermédiaires.

Susini, qui craignait un attentat, décida de s'entourer uniquement d'hommes sûrs : ses fameux commandos «Z ». Il ne se déplaçait plus qu'encadré de huit ou dix hommes armés jusqu'aux dents.

Aux yeux de Jean-Jacques Susini, le plus urgent était d'empêcher l'exode des pieds-noirs, l'abandon, voire aussi l'opération « terre brûlée », préconisée par Jésus et Jean-Claude Perez.

Jouer un rôle, peut-être, dans cette nouvelle Algérie qui prenait naissance.

Confortablement installé dans un profond fauteuil de cuir, Abdh
éramane Farès, le président de l'exécutif provisoire, mis en place à Alger, regardait sournoisement le petit homme assis en face de lui et qui nerveusement jouait avec une pièce de monnaie qu'il faisait passer d'une main dans l'autre.

Il remarqua que Jean-Jacques Susini avait un air de petit garçon bourgeois,  très  vieille  France.

Farès écoutait avec attention son interlocuteur, ne lui coupant la parole que pour lui dire : « L'Algérie de demain est prête à accueillir tous les hommes de bonne volonté et à oublier le passé, pour repartir sur des bases solides. »

Pendant plus d'une heure, Jean-Jacques Susini parla de fraternité, de grandeur retrouvée. Cita Camus et termina en disant à Farès que l'OAS était disposée à conclure immédiatement une trêve.

Farès lui répondit qu'il ne pouvait s'engager seul dans cette voie, mais qu'il prendrait, le soir même, l'avion pour Tunis, afin de tenir au courant les chefs du FLN.

Avant de partir, l'ancien président de l'Assemblée Algérienne et Jean-Jacques Susini se serrèrent la main comme de vieux amis. Et pour donner une preuve de sa bonne foi, l'ancien adjoint du général Salan prévint son « nouvel ami » qu'à quelques pas de l'endroit où ils étaient, dans ce bureau du Rocher Noir, se trouvait enterrée une charge de cent kilos de plastic... prête à exploser.


Ce qu'il y a de plus grave, ajouta Susini, c'est que tous les édifices d'Alger sont truffés de ces petits colis... au cas où nous serions obligés de partir à la nage.

Malgré toutes les précautions prises par Jean-Jacques Susini et Abdhéramane Farès pour ne pas ébruiter cette rencontre, la nouvelle d'un accord FLN-OAS fit l'effet d'une bombe au cabinet du ministre résident. Fouchet téléphona au général De Gaulle à Paris pour lui annoncer la nouvelle.

- Eh bien ! C'est très bien ainsi, mon cher ami, répondit le général De Gaulle, qu'ils s'arrangent entre eux, mais personnellement, je ne veux rien entendre de ce minus de Susini...

La communication fut écoutée par les services du chiffre de la Sécurité Militaire et communiquée à Jacques le Majeur.

Le lendemain, tout Alger était au courant.

Après tout, pourquoi pas ? entendait-on dans les cafés de la ville, puisque la France ne veut pas de nous, pourquoi vouloir rester Français à tout prix. Cela fait plus de cent trente années que nous vivons avec eux, pourquoi ne pas continuer... Nous serons Algériens au lieu d'être Français, qui sait si cela ne vaut pas mieux ?
 

--=o=--

Il y avait beaucoup de monde sur le port d'Alger, ce matin du 2 mai 1962.

Beaucoup de dockers musulmans, plus d'un millier, qui attendaient l'ouverture du bureau d'embauché.

Il était un peu plus de 6 heures du matin, un timide soleil venait de faire son apparition. La ville était calme. De ce calme qui précède la tempête. Soudain, débouchant de la rampe de l'Amirauté, un GMC de l'armée arriva à toute allure. Au volant, Petit Pierre, habillé en militaire du 27e train, dit :

- Tu crois que ça va marcher ?

- Un vrai festival, répondit Jésus, avec ça, si les accords de Susini tiennent toujours, je me fais couper les couilles...

 Petit Pierre s'esclaffa.

Ils venaient d'arriver à hauteur du bureau des docks. Impassibles, les musulmans regardèrent l'apôtre manœuvrer et coller son GMC juste contre les grilles de l'entrée du port. Puis, il coupa le contact, et mis en marche le mouvement d'horlogerie de la bombe. Le GMC était chargé de vieux moteurs et de ferrailles de toutes sortes.

Quelques dockers curieux s'étaient approchés des « militaires ».

- Dites, « messieurs », ça ne vous dérange pas de jeter un coup d'œil sur notre chargement pendant que nous allons boire un café avec mon copain ?

 - Non, bien sûr, allez-y, vous n'avez rien à craindre, mais ne tardez pas trop, les bureaux vont bientôt ouvrir...

- D'accord, et merci beaucoup « messieurs » !

Jésus et Petit Pierre ramassèrent leurs bérets, et paisiblement s'éloignèrent vers les voûtes de la pêcherie.

L'explosion fut entendue à vingt kilomètres à la ronde. A l'endroit où tout à l'heure Jésus et son apôtre avaient stoppé le GMC, il n'y avait plus qu'un trou béant comme un gros entonnoir.

Une épaisse fumée noire montait dans le ciel. Le centre d'embauche n'était plus qu'un amas de cadavres déchiquetés, de poutrelles, de morceaux de moteurs rougis par le sang des dockers.

L'explosion avait fait soixante-douze morts et cent dix blessés affreusement mutilés.

Un jeune soldat du contingent, qui passait là et qui avait voulu se porter au secours des blessés, fut égorgé comme un mouton.

Une heure plus tard, armés de couteaux, de gourdins, de coupe-chou, les musulmans de la Casbah se regroupèrent par milliers pour descendre, en force, dans la ville européenne et se venger. Mais ils furent canalisés par le service d'ordre du FLN. Le commandant Azzedine l'ancien chef de la Willaya IV, arrivé depuis peu à Alger, s'adressa à « ses frères » :

- Ne faites pas ça. Ce serait tomber dans le piège de l'OAS, l'armée ne vous laissera pas passer, ce serait aller au-devant d'un carnage et mettre en cause notre indépendance. Il faut rentrer chez vous et attendre le jour où Allah... sera avec nous ; alors, ce jour-là seulement, nos cœurs pourront penser à la vengeance... elle sera cruelle et aveugle.

Le soir même, deux autres quartiers musulmans d'Alger, Belcourt et Climat de France, étaient bombardés au mortier de 60.

Ce jour-là, il y eut à Alger cent dix tués et cent quarante-sept blessés.

C'était déjà le début de l'opération terre brûlée...

Assis à califourchon sur un tabouret, le commissaire Forliani. de son balcon, regardait sa ville qui doucement se mourait.

Le matin, il avait réuni tous ses meubles et tous ses souvenirs et les avait brûlés dans un immense feu de joie.

Il était là, à contempler le va-et-vient des lourds camions de l'armée qui ramenaient du Djebel les glorieux « djounouds » de l'ALN, quand il entendit sonner à sa porte.

C'était Jacques le Majeur. L'ancien commandant du secteur Orléans Marine paraissait soucieux, visiblement, il se passait quelque chose de grave.

Jacques entra.

- Commissaire, je viens vous chercher. Si vous le voulez, vous pouvez partir avec moi tout à l'heure dans un avion militaire .

- Je ne comprends pas ! Vous partez ?

- Oui, Perez est devenu fou. Il veut mettre Alger à feu et à sang, faire de Bab-el-Oued un nouveau ghetto. Il veut être le seul chef, il ma fait comprendre que l'Algérie n'avait plus besoin de moi. Alors, je m'en vais. De toutes les façons, je n'avais pas le choix. C'était ça ou être abattu comme un melon, en pleine rue. Alors, je pars. J'en ai marre de leur connerie. Je suis cassé, vidé. Je n'en peux plus. Un ami, qui est officier de l'air, m'a proposé de prendre place clandestinement dans un des appareils militaires de la base de Blida qui rapatrient les familles des officiers sur la métropole. Je vais profiter de l'occasion pour fuir. Voulez-vous venir avec moi ?

- Non merci ! Je préfère rester encore un peu. Je veux voir ce qu'ils vont faire de notre pays, pour ne rien avoir à regretter plus tard. Je partirai après.

Vers la mi-juin, le Dr Jean-Claude Perez l'ancien adjoint de Roger Degueldre, décida à son tour de fuir.

Traqué par les policiers, les gendarmes et les commandos « Z » de Jean-Jacques Susini. En moins de vingt-quatre heures, il avait échappé à deux attentats.

La première fois, alors qu'il sortait de l'immeuble où il se cachait, une Aronde passa à toute allure et deux,hommes, des commandos de Susini, le mitraillèrent presque à bout partant.

Perez avait échappé par miracle aux balles des tueurs.

En voyant la voiture dévaler à toute vitesse l'avenue Durando, Jésus s'était jeté sur le docteur des pauvres et l'avait plaqué à terre. Seul Jésus fut blessé à la jambe. Une balle de 9 mm lui avait traversé le mollet en séton.

Le lendemain, en quittant sa planque, Jean-Claude Perez s'aperçut que, pendant la nuit, des inconnus avaient trafiqué sa voiture.

L'Elastique qu'il avait prudemment relié à l'intérieur du moteur et coincé sous le capot avait disparu. Jésus remorqua la Mercedes jusqu'à la carrière Jobert, puis, à l'aide de deux petites pinces, il brancha deux longs fils au contact. Protégé par un immense mur de béton, il fit toucher les fils. Aussitôt, il y eut une formidable explosion. La Mercedes piégée fut projetée à plus de dix mètres de hauteur.

Cela ne faisait plus aucun doute. Jean-Jacques Susini avait décidé de passer à l'action.

Depuis le 7 juin, les hommes de Jésus avaient fait sauter la bibliothèque de l'Université, les laboratoires de recherche de la faculté des Sciences, la mairie et la poste d'El Biar, plastiqué la préfecture de police et bombardé au mortier le Palais d’été.

Dans un communiqué diffusé sur les ondes de la radio pirate, Perez avait déclaré que les accords FLN-OAS, signés par Susini et Farès, n'avaient aucune valeur. Que l'OAS ne quitterait la terre d'Algérie qu'en laissant dans ce pays un visage d'hécatombe et de désolation.

« Le haut commandement de l'armée secrète a décidé d'accélérer et d'intensifier la politique de « la terre brûlée ». Hier c'était Alger, demain ce sera le Rocher Noir qui sautera », dit-il.


Et si le Rocher Noir n'avait pas sauté, c'est parce que l'homme qui en était chargé se fit arrêter tout bêtement à un «contrôle de police.

Il avait oublié chez lui son permis de conduire.

 

---==oOo==---



 
- Comite Veritas
- Alger 26 Mars 1962
- Ravin Rouge - Le Film
- le site des Bônois
- Pied-Noirs Aujourd'hui
- Association-Mostaganem
- Armand-Belvisi
- Bivouac-Legion.com
- Jean-Paul Gavino
- Le site du Clos-Salembier
- Mauvaise Graine
- Les Souffrances Secrètes
- Tenes Algerie
- Annuaire web africain
- http://mascara.p-rubira.com
- ADIMAD
- Site de Jaques Vassieux
- http://www.enfant-du-soleil.com
- Cercle algérianiste de Montpellier
- Pointe Pescade
- Jean-Pax Meffret
- Les tournants Rovigo
- l'Echo-Chons Patriotes
- Jocelyne Mas
- Coalition Harkis
- Le coin du popodoran
- http://oran1962.free.fr
- MIGDAL
- Ass. victimes du 26 Mars 1962
- Les Raisons de la colère
- Alger-Roi.fr
- Croisitour
- Dessins de Konk
- Secours de France
- Oran Cite des Jardins
- Pied noir,rapatrié

- http://coordination.cnfa.free.fr
- http://www.harkis.info
- http://www.salan.asso.fr


Copyright © 2000 - 2015 Algérie-Francaise.Org
All rights reserved. Tous droits réservés. Reproduction interdite sans la permission écrite de l'auteur.