Page Précédente
 
Translate
 
Menu des Plaintes
Cimetière
Forums
 
De Gaulle
 
 

O. A. S
Généralités

Partie 1

La Cendre Et La Braise
de Gérard LEHMANN
Editions SDE

Page 17-à-24
O. A. S. :
à ce rassemblement appuyé sur la complicité de tout un peuple, à cet outil de désespoir pour une survie col­lective, le général Salan et ses collaborateurs donnèrent une telle vie, un tel rayonnement, qu'il y eut un moment où, malgré la disproportion écrasante des forces, le destin hésita. Serge Groussard: L'Algérie des adieux, p. 79

Dans une certaine imagerie historique, l’O.A.S. s'inscrit comme l’aboutissement paroxystique et ultraciste du drame algérien et particulièrement dans les derniers mois qui précèdent l'indépendance. La violence en soi est ainsi dénoncée comme un trait générique du fascisme et du racisme qu'elle incarne. Poussée dans ses derniers retranchements, l’O.A.S. trahit sa vraie nature. Tel est l'argument que l'on rencontre souvent sous la plume de ses adversaires. Pourtant Jacques Soustelle avait déclaré en réponse à ce genre d'argument:

Si tous les gens qui agissent par la violence sont des fascistes, alors, nous, mous étions tous fascistes pendant la guerre, j'ai le regret de le dire, parce que
beaucoup de mes amis et moi-même, auprès du général De Gaulle, nous avons par des moyens extrêmement violents contre l'occupant et contre ses complices vichystes, et cependant nous ne nous considérons pas comme fascistes. (cité dans Georges Fleury: Histoire secrète de l’O.A.S., p.506), et il  précise que poser l'équation : emploi de moyens violents égal racisme, c'est ne pas avoir beaucoup de respect pour la rigueur logique (op. cit. p. 507).

Quant au but des partisans de l'Algérie française, il a été aussi souvent présenté comme un souhait de conserver l'Algérie de papa, ou de pré­tendre vouloir l’assimilation alors qu'en fait il n'a jamais été question que d'intégration. Il suffît - entre autres - de se reporter à l'annexe V de L'Espérance trahie de Jacques Soustelle (§ I-V, pp.283-290) pour écarter la confusion entretenue à dessein sur un passéisme qui, certes, a existé, mais ne correspond pas aux projets d'une Algérie nouvelle devant tenir compte de l'originalité musulmane, et qui est plus proche des rêves d'Albert Camus que de certains nostalgiques de l'Algérie du Centenaire. Tout au contraire nous retrouvons constamment dans les propos d'officiers comme Montagnon ou Sergent le regret que l'on ait tant attendu pour ce faire; et la responsabilité terrible en incombe naturellement aux détenteurs du pouvoir politique :

Un silence public et jamais troublé recouvre en revanche les crimes de ceux qui furent finalement à l'origine de tout: certains hommes poli­tiques. Tout au long de ce livre, qu a-t-on en effet constaté, en métropole comme en Algérie, de la part de ceux qui étaient en charge des destinées des deux pays? Le refus de réaliser les réformes nécessaires avant l'explosion de 1954, l'incapacité à dominer une situation et de conduire une évolution raisonnable et généreuse, l'exploitation du drame algérien à seule fin de conquête du pouvoir des promesses et des reniements, l'insouciance ou le mépris des conséquences humaines de décisions bâclées, le souci d'en finir à n'importe quel prix... (Pierre Montagnon : La guerre d'Algérie, Paris Pygmalion 1984, p. 405).
-----
-----
 
Avec le temps, des archives se sont ouvertes en partie, de nouveaux témoignages paraissent, des zones d'ombre s'éclairassent. Un travail de cantation s'opère. La confrontation des sources fait apparaître des lignes de force. On s'y retrouve un peu mieux. Mais pas toujours.

Le temps est une condition nécessaire mais pas toujours suffisante. Nécessaire, d'une absolue nécessité quand le passé ne saurait dévoilé sans risque pour l’auteur ou pour son entourage. Jean Reimbold rédige en prison Pour avoir dit non — 1960-1966. L'ouvrage est publié en 1966, deux ans avant l'amnistie de juin 1968, et il est bien

évi­dent que Jean Reimbold qui avait la responsabilité de la neuvième région (O.A.S. métro, Mission-II) reste discret quant aux actions de son groupe. Autre exemple: Challenging De Gaulle d'Alexander Harisson (Le défi à De Gaulle), publié avec vingt-cinq ans de retard, sur la base de témoi­gnages oraux et de sources confidentielles. Les témoignages, et là est l'in­térêt, ne viennent pas seulement de responsables de l’O.A.S., mais aussi d'hommes de terrain, et non des moindres. La liste en est longue. L'auteur a pris des risques : en même temps celui d'être considéré comme un mouchard par certains de ses interviewés et celui d'être traité comme un sympathisant par le pouvoir, ce qui lui valut un séjour instructif à Fresnes. Publié en 1989, l'ouvrage a été écrit en 1964 et avant...
-----
-----

Periodisation
-----
-----
La lancée dans l'aventure
(avril - août 1961).

C'est la période de l'organisation, de l'encadrement des masses en .Algérie, des liens tissés plus étroitement avec des éléments favorables dans les domaines civil et militaire en métropole. Le coup d'envoi est évi­demment l'échec du putsch, l'entrée dans la clandestinité des généraux Jouhaud, Salan et Gardy, des colonels Argoud, Broizard, Gardes, Godard et Lacheroy, du capitaine Sergent, des lieutenant Godot et Degueldre; même si la paternité du sigle est revendiquée, avant cette date, par Lagaillarde réfugié à Madrid. Un Comité supérieur de l'O.A.S. se crée sous l'autorité de Salan qui quitte l'Espagne pour la Mitidja.

L'O.A.S. se structure sur le modèle de la Résistance, dont nombre de protagonistes ont fait partie, du F.L.N., et s'inspire enfin des leçons des bureaux militaires d'action psychologique sur la guerre contre-subversive (dans le sillage de l'expérience indochinoise). L'organigramme est tripartite: O.R.O. chargée du renseignement et des opérations dirigée par Godard et Perez, Degueldre pour l'action; l'A.P.P. action politique et psychologique avec Susini et Broizat, l'O.M., organisation des masses dont Gardes est le chef. L'Algérie est divisée en régions, la population quadrillée.

Il s'agit dans un premier temps de renforcer la cohésion et l'unité de l'Organisation, la collaboration des militaires et des civils. Le but est clair: maintenir par tous les moyens l'Algérie dans le sein de la République,
contrecarrer la politique d'abandon du gouvernement, préserver l'esprit du 13 mai, et dans ce but provoquer la création d'une situation insur­rectionnelle pour casser net le processus des négociations engagé par

De Gaulle. LO.A.S., dans cette perspective, fournit l'encadrement d'une dy­namique révolutionnaire mais sans lui donner une direction politique définie. La révolte est plutôt nationale, biologique que, politique. Cette po­sition est réaliste et correspond par exemple à ce qui s'est produit pour la Résistance pendant l'Occupation, d'autant que l'O.A.S. est un vrai melting-pot: on a pu dénombrer jusqu'à sept composantes en son sein.

Cependant, à terme, cette position est problématique quand on se ren­dra compte que c'est en métropole que la partie se joue, que c'est à Paris et non pas à Alger que la crédibilité de l’O.A.S. doit se concrétiser dans l'établissement d'une plate-forme politique; le capitaine Sergent l'avait bien compris. L'idéal de l'intégration est le but, restent les moyens à em­ployer contre l'adversaire : le pouvoir gaulliste, la gauche qui le soutient avec circonspection et le F.L.N. L'ennemi est celui qui divise et affaiblit, qui creuse le fossé entre les communautés, qui donne le signal du défai­tisme. Si l'action psychologique vise à rassembler, l'action directe est di­rigée conjointement par Pérez et Degueldre contre les cadres F.L.N., les éléments gaullistes et communistes. C'est ainsi que le commissaire Gavoury, considéré comme traître, sera exécuté. Il ne sera pas le seul.

Cependant, et là encore nous retrouvons le modèle traditionnel de tous les mouvements de résistance: des divergences se manifestent avec le MP 13 de Martel et surtout le groupe installé à Madrid (Lagaillarde, Bouyer, Lefèvre et Argoud, ce dernier rêvant d'installer dans la capitale madrilène une Direction extérieure de l'O.A.S.). Le procès-verbal de Maurice Gingembre, arrêté le 7 septembre 1961 à Alger, illustre assez bien les divergences existant entre les différents groupes, entre Alger, Madrid et Paris (voir à ce sujet le procès-verbal de l'interrogatoire de Maurice Gingembre, O.A.S. parle, p. 79 et suivantes).

Le 8 septembre a lieu un attentat manqué contre De Gaulle. Le géné­ral Salan en rejette vigoureusement la paternité.                                                                                                                                                                                             

2. Les mois de l'illusion (septembre-décembre 1961).

La seconde phase est marquée par plusieurs événements positifs à l’automne 6l. L'autorité de Salan est reconnue, y compris par le groupe de Madrid dans le courant du mois de novembre, la population pied-noir suit l’O.A.S. qui a de nombreuses complicités dans l'administration, la police, tandis que l'armée reste hésitante et qu'en métropole des sympathies se manifestent. De grandes manifestations collectives ont lieu fin septembre 1961 : « journée des casseroles », « journée des ori­flammes », « journée des embouteillages », ainsi que des émissions pi­rates à la radio. Le 8 novembre 1961, au cours de la discussion sur le budget de l'Algérie, plusieurs députés du centre et de droite défendent la thèse de la représentativité de l'O.A.S. Le général Salan oriente un vaste effort d'information en direction de la métropole, plaçant ainsi la lutte de l’Q.A.S. dans le domaine de la légalité républicaine violée par le chef de l'État.                                                            

Voici un extrait de sa lettre aux Conseillers généraux de France :
 L'O.A.S. veut le retour à un gouvernement constitutionnel, c'est-à-dire à un pouvoir qui, tenant son existence des lois, les respecte et les fait appli­quer. l’O.A.S. n 'entend pas se substituer au présent pouvoir, elle veut rendre la république aux lois, faute desquelles elle n'est qu'un trompe-l'œil. [...]

Lorsqu'on fait descendre les Staline après leur mort de leur piédestal, il est trop tard pour leurs victimes. Avec les dépouilles de la France, ne faisons pas d'apothéose à un vieux mortel présomptueux (op. cit. p. 132).

Cependant la police fait des coupes sombres dans l'Organisation.

3. Désillusion et violences (mi-décembre-18 mars 1962)

La courbe s'infléchit. De Gaulle donne au mouvement vers l'indé­pendance un caractère inéluctable et mobilise en sa faveur l'opinion pu­blique métropolitaine.

Dès le milieu du mois de décembre 1961 commence pour I’O.A.S. le temps des désillusions, l'heure de la vérité qui est aussi celle de l'épreuve de force » (op. cit. p. 161).

La plate-forme politique que l’O.A.S. avait tenté de constituer s'ef­fondre, de même l'espoir de contraindre le chef de l'État à un flé­chissement de sa politique. L'idée d'un nouveau 13 mai est abandonnée. Seule une insurrection armée dans les villes et dans les campagnes (maquis) instaurant une situation insurrectionnelle paraît en mesure de retourner la situation. En Algérie se développe un climat de guerre civile. L'O.A.S. radicalise son action. Ce sont les opérations des Deltas à Alger et des Collines à Oran et dans sa région. Canal ar­rive à Paris et anime ses équipes de plasticages parallèlement à celles de Jean-Marie Curutchet, l'adjoint de Sergent. Le gouvernement en­gage des négociations avec le F.L.N. (Les Rousses) qui se concrétisent le 18 mars à Evian.

4. Les feux du désespoir (19 mars-5 juillet 1962),

Pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Yves Courrière. Période de tran­sition et de passation des pouvoirs. Salan, Jouhaud, Degueldre sont ar­rêtés. La population européenne et l'O.A.S. se heurtent à l'armée française (le massacre de la rue d'Isly, le 26 mars 1962, fait plusieurs di­zaines de morts parmi les pieds-noirs). Violences aveugles, début de l'exode massif en mai. De violents incidents éclatent à Oran entre forces de l'ordre et commandos de l’O.A.S. Le 8 avril, un référendum en mé­tropole, parfaitement inconstitutionnel, apporte le soutien populaire à la politique gaulliste, le scrutin d'autodétermination a lieu en Algérie le 1er juillet. Commencent alors les enlèvements, les assassinats de Français exécutés par le F.L.N. et l'A.L.N. La valise ou le cercueil. Pour l’O.A.S., le cessez-le-feu n'est pas la paix. Il est difficile, dans cette période confuse où commence l'exode des Français d'Algérie et des musulmans restés fi­dèles, de faire la part, dans les attentats individuels et collectifs, des ac­tions couvertes par l'O.A.S. ou échappant à son emprise. Depuis sa prison, le général Edmond Jouhaud adresse le 5 juin un appel à l’O.A.S. lui demandant l'arrêt de ses actions. C'est le début du martyr des di­zaines de milliers de harkis que la France abandonne à leur sort. L'Algérie devient indépendante le 5 juillet 1962.

Le 30 mars, Salan institue le C.N.R. (Comité national de la Résistance) avec un comité exécutif composé de Jacques Soustelle, du colonel Antoine Argoud et présidé par Georges Bidault. Mais le C.N.R. n'a plus véritablement le contrôle de l'O.A.S. qui se morcelle. Jean-Jacques Susini engage avec le F.L.N. des négociations qui n'auront pas de suite. Dans l'Oranais le général Gardy et le colonel Dufour ten­tent de constituer une zone échappant à l'emprise du F.L.N., mais la guerre est finie, en tout cas pour ceux qui ont la chance de trouver l'avion ou le bateau de l'exil.
-----  
-----
p.28-29
L'approche d'Anne-Marie Duranton-Crabol semble marquer un pro­grès par rapport à des argumentaires biaises du type Milza/Algazy (voir plus bas dans une analyse non militante soucieuse d'éclairages p. 284 ss) nouveaux à la jonction de l'histoire et de la mémoire. Mais nous reve­nons toujours à des questions de méthode.

Dégager les représentations collectives et individuelles, sur lesquelles pren­nent appui l'expression d'une fureur croissante, la désignation des cibles, le culte des héros et des martyrs (p. 115) suppose une enquête préalable sur les faits, une analyse critique des sources. Le fait-elle?

D'autre part, sur la même page, elle écrit: La violence se trouve au point névralgique du temps de l'O.A.S., adversaires et partisans s’accordant pour réduire l'Organisation secrète à cette dimension. Elle rejoint ce fai­sant l'opinion traditionnelle enracinée dans la mémoire collective qui fait de la violence, non pas un moyen mais l'élément constitutif fasciste de l'O.A.S., elle fait insidieusement du Milza et de l'Algazy. Et il est bien évidemment faux que la violence a été un but en soi pour les partisans de l'O.A.S.

La violence exercée par l'O.A.S. répond d'abord à un état de guerre. La violence est un terme générique et pas une notion morale. Toute guerre étrangère, toute guerre civile est violence. Lorsque L’auteur pré­tend que le terrorisme de l'O.A.S. est inspiré par le F.L.N., elle commet une grave erreur. Il n'y a aucune mesure entre la politique de terreur exer­cée sur l'ensemble de la population civile et les opérations ponctuelles dirigées, après enquête, par l'O.A.S. contre des responsables considérés comme des objectifs de guerre. On a coutume, par exemple, de présenter l'exécution du lieutenant-colonel Rançon comme un attentat aveugle. (Voir Duranton-Crabol p. 145) II n'en est rien. Je renvoie ici, pour plus le détails, à Claude Micheletti : Fors l'honneur, p. 94 et à la sténographie du procès du général Edmond Jouhaud. Nous parlons de sources, alors consultons-les!  
----  
----

Partie 2