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De Gaulle
 
 

Le contentieux s'aggrave... De Gaulle diviseur?


Les pieds-noirs
Par Daniel Leconte
(Editions du Seuil Paris Vième)

EXTRAITS
p.146 à 153

Le contentieux s'aggrave... De Gaulle diviseur?

Qui se souvient qu'à Alger. le 4 juin 1943, le Comité français de libération nationale a été constitué?

Qui sait que le lendemain même, c'est de Gaulle en personne qui annonce par radio qu'Alger est désormais la capitale de la France combattante?

Qui se rappelle que les premiers combats de l'armée française aux côtés des forces alliées sont livrés en Tunisie avec des effectifs — [b[70000 en tout — recrutés parmi les Français d'Algérie et les indigènes?

Qui connaît enfin le rôle joué par le Corps expéditionnaire français composé des mêmes éléments dans la campagne d'Italie et le débarquement de Provence?

En fait, tout cela sera vite oublié. A cette amnésie, il y a une raison, dit-on : l'Afrique du Nord n'était pas gaulliste...

De fait, l'Algérie a échappé aux affres de l'exode de mai 1940 et à l'Occupation qui a suivi. L'appel du 18 juin? Quelques-uns l'ont entendu et s'en réjouissent, en particulier, dans les milieux juifs de la capitale algérienne, mais on a moins de raisons ici d'attacher à l'événement la même importance que là-bas. Car l'armée d'Afrique est restée intacte et cet atout, au moins, n'est pas imaginaire.

L'armistice a laissé les coudées franches aux patriotes en Algérie et, ils savent gré à Pétain de cette relative liberté, car un jour, c'est sûr, ils lanceront les forces reconstituées contre la citadelle nazie. Au pire, on considère que Pétain et de Gaulle sont les deux faces d'une même politique; que Pétain est le bouclier et de Gaulle l'épée. Cette illusion, l'Algérie, plus que la métropole, a de bonnes raisons d'y croire car elle n'est pas occupée par l'Allemagne. Aussi refusera-t-elle d'accepter la division de la France comme la condition nécessaire de sa résurrection. L'Algérie militera pour l'unité...
Mais voilà, l'Algérie n'échappe pas aux calculs stratégiques et les conditions qui lui sont faites par l'armistice sont trop avantageuses pour que l'Allemagne d'un côté, l'Angleterre de l'autre se désintéressent de son sort. Elle sera donc sommée de choisir et ce, dés le départ.

Le 3 juillet 1940, la flotte anglaise se présente devant Mers el-Kébir et donne l'ordre à la marine française, neutralisée par les accords franco-allemands, soit de se saborder, soit d'appareiller pour l'Angleterre. Craignant par-dessus tout qu'une réponse positive à cet ultimatum ne provoque un débarquement des troupes nazies, qui réduirait à néant toute reconstitution des forces françaises en Algérie, les autorités de la colonie rejettent les propositions anglaises.
Ce jour-là, la marine française est envoyée par le fond. Il y a 1200 morts.

Ce jour-là aussi, l'anglophobie s'empare de la population coloniale. Et l’on aura le sentiment que, pour gagner le temps nécessaire, il faudra se battre sur deux fronts, contre les Allemands et contre les Anglais, donc indirectement contre de Gaulle, Sur les murs d'Alger, les croix de Lorraine, dessinées par les résistants, sont transformées d'un coup de peinture en livres sterling, « On en veut à l'Angleterre », écrit à l'époque Alain de Sérigny déjà directeur de l'Écho d'Alger, «à l'idée qu'elle compenserait les échecs que l'Allemagne lui fait subir en s'appropriant un territoire français, » (Alain de Sérigny, Échos d'Alger, t. I : 1940-1945, Le Commencement de la fin, Paris, Presses de la Cité, 1972).

C'est en effet à ce statut que l'Algérie coloniale entend se tenir. Peu lui importe que les interventions soient allemandes ou anglaises. Ces interventions représentent avant tout une agression contre la souveraineté nationale et lui commandent de réagir. Pour le reste, elle veut rester seule juge, « nous n'avons qu'une seule carte à jouer, il faut la jouer à coup sûr », disait le général Juin après sa disgrâce.

Si l'on en croit de Sérigny, son inconditionnel admirateur, c'est à ce «je » subtil que se livre le général Weygand, gouverneur de l'Algérie nommé par Pêtain. Selon lui, Weygand insiste pour que les clauses d'armistice n'entraînent pas l'occupation des ports d'Afrique du Nord, afin de faciliter le futur débarquement des troupes américaines. Il protège le travail militaire secret du général Juin. Il élargit aux échanges militaires les échanges économiques autorisés avec les Etats-Unis. Et surtout, il exploite habilement l'épisode de Mers el-Kébir pour obtenir une augmentation des effectifs de l'armée d'Afrique en cas d'agression britannique. Après Weygand, Darlan qui lui succède, puis Giraud poursuivront la même politique,

Les cadres vichystes, donc, prétendent jouer un « double jeu » avec plus ou moins de zèle suivant leurs convictions. La population européenne de la colonie croit d'autant plus en cette formule, que les Américains, entrés dans le conflit en 1941, débarquent à Alger en novembre 1942 avec l'aide de 800 résistants environ, dont 80 gaullistes, présents dans la capitale. Elle préfère cette « résistance » discrète à celle, tonitruante, de la « France libre ». En mai 1941, le représentant algérien de l'Office français d'information déclare : « Le général de Gaulle n'a ici pratiquement aucun adepte. Personne n'oubliera le sang qui a coulé à Mers el-Kébir. Les agressions anglaises ont ruiné nos sympathies pour la dissidence solidarisée avec un tel crime! A tort ou à raison, nous pensons que la victoire britannique et gaulliste serait celle des autonomistes musulmans et aboutirait à l'éviction de la France. »( Échos d'Alger, t. I : 1940-1945, op. cit.)


La plupart des colons sont maréchalistes surtout pour cette raison; de plus l'une des premières mesures prises par les autorités de Vichy n'a-t-elle pas été l'abrogation du décret Crémieux? Autant que l'antisémitisme, c'est la remise en cause des transgressions de l'ordre colonial qu'ont appréciée les éléments les plus irréductibles de la colonie (en fait ils en veulent tout à la fois aux Allemands qui, avant l'armistice, ont incité les populations musulmanes à se révolter, et aux Anglais qui, depuis, les ont relayés dans ce rôle). En outre la trilogie pétainiste « travail-famille-patrie » répond à quelque chose d'intime en chacun des habitants de la colonie. Peut-être enfin aiment-ils secrètement cette image de la France à genoux, qui a perdu sa superbe à leur égard et doit, pour se concilier les « maîtres », abandonner l'Algérie à leur arbitraire. Consentante ou contrainte, toujours est-il que l'Algérie est pétainiste en cela que les numerus clausus concernant les juifs sont respectés, les censures journalistiques appliquées et les liens entre le colonat et les cadres vichystes toujours excellents. Ils sont pétainistes donc mais, à la différence de la métropole, l'allégeance au Maréchal ne sert pas ici de prétexte à l'abandon.

Au nom de Pétain, l'Algérie entend poursuivre la guerre. Compte tenu de cette exigence impérative, elle refuse déjouer de Gaulle contre Pétain car elle ne suspecte dans cette rivalité rien d'autre qu'un enjeu de pouvoir entre deux hommes. C'est cela qu'elle a cru saisir dans les réactions gaullistes après le débarquement des troupes américaines à Alger. « La France », écrit alors l'hebdomadaire gaulliste d'Alger de François Quilicci, la Marseillaise, « a subi un tort immense devant l'Histoire : l'occupation par les Etats-Unis d'une terre qui nous a coûté tant de sang affecte plus gravement le pays que l'occupation par les Allemands parce qu'elle l'atteint dans son honneur 1. » (1. Ibld) En effet, pourquoi ce qui serait vrai pour les Américains ne l'avait-il pas été pour les Anglais? Seule, la conviction qu'un jeu personnel était à l'origine de cette discrimination entre les Alliés pouvait, pensait-on, permettre de répondre à la question.

Pétainiste par patriotisme, la colonie sera gaulliste pour les mêmes raisons quand le chef de la « France libre » lui paraîtra mieux qualifié pour relever le pays.
Le 30 mai 1943, de Gaulle arrive en catimini à Boufarik et gagne Alger où, malgré le black-out de la presse et l'hospitalité plus que discrète des autorités officielles, il reçoit, près du monument aux morts, un accueil triomphal.

Plus tard, le 14 juillet, « c'est Alger », écrit-il dans ses Mémoires de guerre, « capitale de l'Empire et de la France combattante, qui offrit la démonstration de la renaissance de l'Etat et de l'unité nationale recouvrée. Ainsi, déclarai-je, après trois années d'indicibles épreuves, le peuple français reparaît. Il reparaît en masse, rassemblé, enthousiaste, sous les plis de son drapeau. Mais, cette fois, il reparaît uni. Et l'union que la capitale de l'Empire prouve aujourd'hui d'une éclatante manière, c'est la même que prouveront demain toutes les villes et tous les villages dès qu'ils auront été arrachés à l'ennemi et à ses serviteurs... Dans la tribune, M. Murphy, apparemment impressionné, vint me faire son compliment : « Quelle foule énorme! " me dit-il. " Ce sont là, lui répondis-je, les 10 % de gaullistes que vous aviez comptés à Alger "2. »( 2. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, t, II. :L'Unité (1942-1944), Paris, Pion
« En Afrique du Nord », poursuit-il plus loin, « la structure ethnique et politique des populations, l'attitude de l'autorité, la pression des Alliés avaient retardé l'évolution. Mais celle-ci désormais était irrésistible... Ici comme ailleurs, le sentiment national a choisi. Dans le jeu qui va s'engager, l'atout maître est entre mes mains. Parmi les Français d'Afrique, je n'aurais, pour me faire obstacle, que l'entêtement des gens en fonction et la méfiance de certains notables. »

A leur égard, de Gaulle ne fait pas de détail. Il remplit les camps de Mécharia et de Bossuet, il épure l'administration.

Par «ordonnance spéciale», il interdit à certains conseillers généraux giraudistes de participer au scrutin de désignation des « conseillers consultatifs ». Dans le zèle qu'il met à assainir, il y a comme la reconnaissance implicite que ce qui se fait au nom de la France ne peut se faire qu'en son nom à lui.

La campagne de Tunisie qui s'est menée en mai 1943? On ne la connaît pas dans l'entourage gaulliste : le chef civil et militaire en était Giraud.,. « La victoire des forces françaises (apparemment réunifiées) en Tunisie», écrit J. Planchais, «est la première de ces dures campagnes dont les héros ne recevront pas l'hommage d'un salut ou d'une prière, une victoire entre soi dont on se souviendra dans les mess et dans les popotes, une de ces campagnes qui passent brusquement du champ de bataille à l’Histoire» sans l'intermédiaire réconfortant de la légende et du cœur populaire. Première revanche sur 1940, mais revanche méconnue et qui le restera1. »(1- Jean Planchais, Une histoire politique de l'armée, t. II : 1940-1967, de De Gaulle à de Gaulle, Paris, Éd. du Seuil, coll. « L'histoire immédiate », 1967)

En effet peu importe à de Gaulle si, dans la hargne qu'il met à effacer la gestion non gaulliste, il efface du même coup le travail de préparation à la revanche qui a été accompli en Algérie. Peu lui importe en somme si, en refusant de reconnaître à Giraud ce qui, malgré sa complaisance envers les lois raciales du régime de Vichy, lui revient sur le plan militaire, de Gaulle nie délibérément une partie de la France combattante. En dépit de cette légèreté à son égard, celle-ci va lutter sur le territoire italien à partir de décembre 1943.

« On lui fait place », reconnaîtra néanmoins de Gaulle, « c'est donc pour une tâche difficile. » Ce sont 120000 hommes, soit un quart des effectifs engagés en Italie, qui prennent une part déterminante dans les combats pour la libération de Rome et reconquièrent ainsi une partie du prestige perdu par l'armée française après la débâcle. Mais ce corps expéditionnaire reste fidèle au général Giraud et constitue le lieu de ralliement des officiers. Ceux-ci s'éloignent d'Alger, non pas seulement parce qu'ils craignent l'épuration gaulliste, mais parce qu'ils considèrent que, dans ces circonstances, le métier de soldat exige de se tenir à l'écart des « grenouillages » politiques. C'est ce sentiment que J. Planchais résume ainsi : « A partir du moment où on se fait tuer, qu'importent les opinions. Qu'importent Vichy et le Maréchal? Certains sont persuadés qu'ils se battent pour le délivrer. Pourquoi pas? Cela les regarde seuls, s'ils savent leur métier et s'ils savent mourir. » Au Belvédère, au Garigliano, à Cassino, au Pantano, ils sauront en effet se battre et mourir, et s'ils y mettent tant d'énergie et d'héroïsme, c'est qu'ils ont le sentiment d'avoir à prendre plusieurs revanches. Revanche « sur le FFL d'abord », poursuit J. Planchais. « Une seule division française libre, celle du général Diego Brosset, combat en Italie. L'armée traditionnelle veut montrer à ces " amateurs ", qui sont en réalité aguerris et soudés par des années de combat, comment savent se battre de " vrais " soldats qui ne sont pas des " aventuriers ".

» Revanche sur les Alliés qui ont pour eux le matériel, les masses humaines, mais passent pour ignorer à peu prés tout de l'art de la guerre, notamment les Américains...

» Revanche encore contre l'armée allemande. En Italie, on se bat " entre soldats " dans un pays tiers... Pas de "civils", donc pas de problèmes politiques... De part et d'autre, on peut se montrer terrible et chevaleresque, avec, consciemment ou non, l'impression que l'Allemand d'en face est beaucoup plus proche, au fond, que l'Américain d'à côté...

» Tout ce sang répandu prendra, pour les survivants, la valeur d'une preuve sans appel. L'Afrique du Nord est la France puisque les Nord-Américains sont morts en Italie. La vieille armée " giraudiste " a eu sa victoire " de droite ". Les colonels d'Italie prendront leur retraite à la fin de la guerre d'Indochine ou au début de la guerre d'Algérie. Les commandants et les capitaines d'Italie, eux, seront les généraux et les colonels d'Alger : le commandant Allard commandera le Corps d'Armée d'Alger, le 13 mai 1958, le capitaine Thomazo sera colonel, comme le " petit Gardes ".
Vanuxem, dit " le petit barbu ", sera alors général.

» Sans être aussi ignorée que la campagne de Tunisie, celle d'Italie n'aura, dans le souvenir des Français de métropole, qu'une place bien mince.

La France occupée entend à peine les échos du Belvédère ou du Garigliano. Elle n'attache guère d'importance aux affiches de la propagande allemande qui montrent des escargots aux couleurs alliées sur la route de Rome : mais sa principale source d'information, la radio de Londres, lui parle assez peu de Juin et de ses hommes.

» L'Afrique du Nord française se passionnera au contraire pour cette campagne menée par l'un des siens, le Bônois Alphonse Juin ... »

Victoires « de droite » donc, dont l'armée d'Afrique ne sera jamais redevable à de Gaulle. Il n'y a pas malentendu : malgré la contribution commune au relèvement de la France, le divorce entre l'armée d'Afrique et le chef de la Résistance est consommé; il résulte d'un contentieux déjà lourd entre les deux pays.

L'allégeance à Pétain ou à de Gaulle en Algérie n'a pas recoupé l'alternative abandon-résistance. Peu importe, politique oblige! De l'Algérie, en gommant les campagnes d'Italie et de Tunisie, on finira par dire avec le temps qu'elle était pétainiste, autrement dit collaborationniste et antipatriotique suivant les normes alors en vigueur. Réciproquement, l'Algérie dira de la France qu'elle a lavé son honneur grâce à l'armée d'Afrique; de la Résistance, qu'elle était pour l'essentiel une invention des gaullistes pour permettre à de Gaulle de prendre le pouvoir; des communistes, qu'ils étaient des aventuriers peu efficaces et qui avaient fait autant de mal que de bien; de De Gaulle enfin, l'Algérie coloniale retiendra l'intrigant qu'il avait pu être parfois; elle le qualifiera de diviseur, de sauveur, puis d'ingrat.

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