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CE QUE JE N’AI PAS DIT
Par Le général JOUHAUD
Chez Fayard

RUE D’ISLY

P281 à 284

On connaît avec quelle cruauté fut mené le siège de Bab el-Oued.

Pour tenter de faire lever le blocus de ce quartier où logeaient principalement des humbles, le colonel Vaudrey, commandant la zone Alger-Sahel de l’O.A.S., décida d'organiser une grande manifestation pacifique qui, du centre de la ville, devait marcher sur Bab el-Oued. Le préfet de police, Vitalis Gros, l'interdit, sachant pourtant par expérience qu'elle aurait lieu, les ordres du pouvoir n'étant plus respectés depuis longtemps en Algérie.

Il ne prit pas la précaution élémentaire, puisqu'il était résolu à disperser tout rassemblement, « le cas échéant, avec toute la fermeté nécessaire », de décider d'un couvre-feu à partir de midi. Je ne reviendrai que brièvement sur le déroulement de ces événements qui ont fait l'objet de nombreuses relations, mais je voudrais en évoquer certains points.

Primo.N'était-il pas évident que l'on n'éviterait pas un affrontement sanglant en faisant opérer des tirailleurs algériens ? Ces derniers se trouvaient dans une situation dramatique. Le F.L.N. serait bientôt au pouvoir. Ils risquaient donc d'être demain les victimes des représailles des fellagha. Beaucoup pensaient à déserter, perméables aux voix des sirènes, des djounouds qui les pressaient de rejoindre les rangs des maquisards.

Ne seraient-ils pas tentés, dés lors, de se réhabiliter en se montrant intraitables avec les Européens ? C'était en tout cas l'avis du colonel Puigt, commandant le 5e régiment de tirailleurs algériens. Ayant reçu la mission de se rendre à Alger pour assurer le maintien de l'ordre, il refusa, après que ses deux chefs de bataillon, Bazin et Benos, ulcérés, lui eurent présenté leur démission. Le colonel Puigt alla exposer au général de Menditte, commandant le corps d'armée d'Alger, ses raisons : on ne pouvait engager contre des Européens des soldats musulmans non préparés à ce genre d'opération.

Il avait pourtant sa troupe bien en main, car elle était composée d'engagés. Aussi, grand fut son étonnement en apprenant que, malgré son avertissement, son refus, il était fait appel, pour la même mission, au 4e régiment de tirailleurs algériens, formé d'appelés, donc moins aguerris que les siens. Cette unité était commandée par le colonel Goubard. Prenant ses fonctions, ce dernier avait réuni ses officiers et leur exposait la ligne de conduite qu'il suivrait :

« Notre devoir de soldats, leur disait-il, reste simple. Tant que nous avons l'honneur de porter l'uniforme, nous sommes des serviteurs de l'État, d'un État voulu et soutenu par la nation, et nous n'avons d'autre voie à suivre que d'exécuter loyalement et fidèlement ses ordres. Avec le devoir, notre conscience d'officiers ne peut entrer en conflit . 1 »
1. « La guerre d'Algérie», Historia (article du colonel goubard, promu général).

Cet officier supérieur, auquel un capitaine exposait ses scrupules, se refusant à faire tirer sur un groupe d'O.A.S., réfugiés dans l’Ouarsenis, lui demandait comment réagirait son premier lieutenant : « II exécutera l'ordre à contrecœur, mais obéira. »

Le capitaine est provisoirement chargé d'autres fonctions par le colonel Goubard, qui confie le commandant de la compagnie au lieutenant : celui-ci accepte de faire ouvrir le feu sur l'O.A.S. ! On pouvait donc compter sur ce colonel, qui, pourtant, malgré son respect de la discipline, avait aussi mis en garde le général Ailleret contre le danger que comportait l'emploi de jeunes tirailleurs dans le cadre du maintien de l’ordre. Il aurait convaincu le commandant en chef, dont les directives, assez curieusement, n'auraient pas été transmises
(1).

1. Les ordres du général Ailleret n'auraient pas été transmis. C'est d'autant plus étonnant que cet officier ne commandait pas dans la clandestinité. Personne ne cherchera à savoir qui a pris la criminelle initiative de conserver les ordres dans un dossier. Indiscipline ou négligence ? Les conséquences furent pourtant tragiques. En revanche, personne n'admettra, au cours de nos procès, que nous, clandestins, ayons rencontré des difficultés dans la transmission de nos directives et que, parfois, nous ayons été dépassés par des subordonnés trop ardents.

Secundo.On s'interroge toujours pour savoir qui a tiré le premier rue d'Isly ?

S'agit-il de provocateurs barbouzes, de militaires du service d'ordre ou d'hommes de l'O.A.S. ?

Je n'ai aucun élément précis d'information à ce sujet. Je note toutefois que, le 14 avril 1962, la question suivante (n
° 14942) a été posée:

«M. Vinciguerra expose à M. le Ministre des Armées que, selon de nombreux témoignages oculaires, les terrasses des immeubles avoisinant les lieux des sanglantes fusillades du 26 mars 1962, à Alger, étaient occupées par des éléments du maintien de l'ordre, ce qui constituait, d'ailleurs, une précaution élémentaire. Il lui demande quels étaient les effectifs exacts des forces de l'ordre chargées de la surveillance des terrasses des immeubles bordant la rue Michelet, la rue d'Isly et le carrefour de l'Agha, dans l'après-midi du 26 mars 1962. »

La réponse de M. Messmer fut publiée dans le Journal officiel de la République française, en date du 3 mai 1962 (page 842) :

« II n'est pas d'usage de rendre publics les effectifs exacts engagés dans une telle opération précise, ressortissant au maintien de l'ordre. »

Ce qui pouvait signifier que les terrasses d'où seraient partis les tirs de provocation, allégués pour justifier les meurtrières ripostes du 26 mars, étaient occupées par des éléments du service d'ordre dont on a préféré taire le nombre et la composition, paraît-il, hété­rogène. Et la version qui en accrédite la responsabilité à des barbouzes, en particulier des mercenaires asiatiques, semble de ce fait fondée.

Un livre blanc a été publié en juin 1962 sur ce drame (1).

Le gouvernement en a interdit la diffusion. Se sentait-il donc coupable de ce massacre?

Car il y a eu massacre: officiellement, chez les Français d'Algérie, 46 morts, plus de 200 blessés. On enregistrera chez les tirailleurs 10 blessés. Les tirailleurs avaient tiré — selon le colonel Goubard qui fit une enquête — 1135 cartouches de pistolet mitrailleur, 427 de fusil, 420 de fusil mitrailleur. Sur une foule désarmée !

M. Yves Courrière, que l'on ne peut classer comme pro-O.A.S., écrira dans les Feux du désespoir:

«Cette journée devait voir se produire l'inimaginable. Le massacre d'une population désarmée. Le comble de l'horreur. »

La France ne devait-elle pas ressentir avec indignation cet assassinat de vieillards, femmes et enfants? Il ne le semble pas. Rapidement, le silence s'établit sur ce carnage. Pourtant, on tient à juste raison à rappeler les crimes nazis, tout en oubliant ce qui s'est passé en Algérie.

Aucune municipalité, à ma connaissance, n'a perpétué le souvenir de cette douloureuse journée en baptisant une rue de la date du « 26 mars », où tant de sang innocent coula sur la chaussée d'Alger. Nous avons vu qu'il n'en est pas de même pour le « 19 mars » qui commémore pourtant une défaite 2.

Quelle eût été la réaction de la presse française, de l'opinion publique, si, dans les chaudes journées de mai 1968, on avait appris que l'on faisait intervenir au Quartier latin chars, aviation, que le service d'ordre avait fait une centaine de victimes, que l'on avait achevé les blessés, tiré sur les médecins et les ambulanciers ?

On fut plus discret pour la rue d'Isly. Pourtant, comme l'écrira une Algéroise :

« La France avait son Oradour et avait édifié dans le sang son mur de la honte.»

Ce drame, je ne le connaîtrai que plus tard, car, le 26 mars 1962, j'étais transféré à Paris. Je venais d'être, la veille, arrêté……….

General Jouhaud

1.  Ce livre blanc a été publié sous le patronage des députés du «Groupe Unité de la Répu­blique». Le chiffre des victimes, d'après ce document, se monte à 80 morts et 200 blessés. Il relatait les événements en faisant uniquement état des déclarations des témoins, déclarations faites sur l'honneur.

2Marcel-Edmond Naegelen a ainsi stigmatisé les accords: «L'une des capitulations les plus néfastes et comme la plus injustifiable de celles qu'a consenties notre patrie.»

 

 


 
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