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UNE PAGE NOIRE DU GAULLISME 

Les disparus d'Algérie par José CASTANO.

A UNE époque où l'on parle beaucoup d' «otages » (hier le Liban, aujourd'hui le Golfe), où certains média, en mal de « sensationnel », se permettent, pour augmenter leur tirage, les pires insultes à l'égard de notre Histoire « L'Evènement du Jeudi » taxe l'armée française et les Pieds-Noirs de « criminels de guerre »; Il serait bon de rappeler à notre opinion publique amnésique, chloroformée, manipulée, le sort qui fut celui de, plus de trois mille Français d'Algérie au lendemain du « cessez-le-feu ».

Ces otages là étaient pourtant couverts et, en principe, protégés par des lois françaises, mais à la différence de ceux d'aujourd'hui, ils ne faisaient l’objet d'aucun marchandage et servaient, seulement à alimenter une arithmétique de la terreur....

Durant toutes ces années, à l'évocation de ce douloureux problème, on nous a répondu invariablement : « Mais ils sont tous morts ! »... de la même façon que l'on disait à ceux qui exprimaient avec quelque « excès » leur nostalgie «Mais tournez la page !» Alors, au nom de ce raisonnement, on s’est abstenu d'entreprendre toute action d'envergure qui aurait amené le pouvoir de l'époque à avouer publiquement l'existence de camps où croupissaient nos compatriotes.

Le point de départ de l'entreprise de destruction qui devait s'abattre sur les Français d'Algérie - entreprise de destruction voulue et organisée par le régime gaullien - fut la honteuse signature des Accords d'Evian du 19 mars 1962 puis, dans la foulée, la tragique tuerie du 26 mars à Alger...

Son aboutissement, l'épouvantable boucherie du 5 juillet à Oran où des centaines d'innocents furent égorgés, lynchés, brûlés vifs, empalés ou encore pendus vivants à des crochets d'abattoir.

Entre ces deux tragédies, plus de trois mille Européens disparaîtront enlevés, parfois même sous les yeux des militaires français qui n'interviendront pas : ils n'avaient pas d'ordre ou plutôt ils avaient des ordres de non-intervention.

Il eût été pourtant de la plus élémentaire humanité d'ordonner à notre armée, encore puissante, d'effectuer des opérations de sauvetage en direction des camps où étaient parqués, parfois à proximité des villes, des milliers de civils menacés d'extermination, même si l'armée jugeait de son devoir de sauver d'abord ses propres soldats.

Mais les dizaines de milliers de musulmans fidèles à la France auxquels avait été faite une promesse formelle de protection, ont été livrés, eux, avec une révoltante bonne conscience, à la vindicte de leurs tortionnaires. Il n'y a d'ailleurs pas d'exemple qu'un Etat ait livré de la sorte ses enfants au bourreau. Cette tache indélébile ternira à jamais l'honneur de la Cinquième République et avant tout de Charles De Gaulle.

Cela dit, peut-on raisonnablement estimer aujourd'hui qu'il existe encore des survivants dans les goulags algériens ? Il est bien difficile de répondre d'autant que mes propos tendent à dénoncer sans complaisance cette tragédie tout en me dissociant du clivage existant entre ceux qui pensent qu'il existe encore des prisonniers et ceux qui n'y croient plus. C'est la contrainte de la bipolarisation à laquelle je refuse de m'associer : gauche contre droite, camp contre camp. Au contraire, la seule idée fixe qui entretient mon action est la suivante : « Je ne suis pas sûr qu'ils soient morts mais je ne sais pas non plus s'ils sont vivants. » Cependant, au vu des éléments suivants, il appartient à chacun de se faire une opinion.

Alors que, dès le début de l'année 1963, le gouvernement français, par la voix de son représentant, le prince de Broglie, affirmait « qu'il n'y avait plus de survivants dans les camps algériens », le 26 janvier 1971, le président Boumedienne déclarait :
« A Paris, on semble ignorer que nous détenons encore un grand nombre d'otages français, Alors, pour obtenir la libération de ces otages, il faudra y mettre le prix. ».

Le couple des enseignants Allard, de Bruyère-le-Châtel (Essonne), d'abord pro- FLN, puis expulsés d'Algérie au cours du second trimestre de 1971, révélera qu'environ 750 disparus européens ont été vus et contactés dans les camps de travail situés à proximité des puits de pétrole d'Hassi-Messaoud.

A l'automne 1972, quelques-uns de ces hommes ont tenté de s’évader. On les retrouves bastonnés à mort sur la rocade sud avec la main droite coupée.

Et, le 14 avril 1982, un hebdomadaire publiait les révélations de M Poniatowski qui affirmait qu'en 1975 (Il était alors ministre de l'Intérieur) « il y avait encore des centaines de captifs en Algérie ».

Mais le scandale éclata quand, le 15 novembre 1986 l’ASFED reçut d’un délégué de la Croix-Rouge un télégramme signé P-A Conod, nom de ce haut fonctionnaire, et rédigé comme suit :

«Confidentiellement, je puis vous dire que, selon nos dernières enquêtes et de sources sûres marocaines, il y a bien 500 à 700 Français retenus captifs en Algérie ».

« Il y a bien », c'est le présent qui est employé et non le conditionnel…

Cette révélation fit l’effet d’une bombe… et elle éclata sous les pieds de ce fonctionnaire qui fut aussitôt muté à Hanoï. Dès lors les contacts furent multipliés et les ministres intéressés interpellés avec véhémence par les députés du Front national. Tous nièrent l'existence de survivants., y compris le Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, qui résuma la situation en ces termes :

" Aucun élément ne permet aujourd'hui d'affirmer que certains de nos compatriotes demeureraient en vie ou, a fortiori, seraient encore détenus en Algérie. »

Or, le sinistre prince de Broglie avait reconnu que plus de 200 femmes et 50 enfants avaient été enlevés ainsi que de nombreux adolescents de 13 - 14 ans.

Cependant, la Croix-Rouge a dénombré 400 femmes ou jeunes filles et rien que pour la région de Sidi Bel Abbés, 90 enfants. Or, la plupart de ces femmes ont été condamnées à vivre dans les maisons closes d'Algérie ou d'autres pays musulmans ou encore en Amérique latine. Les jeunes enfants ont été élevés dans les écoles islamiques et arabisés par un nouvel état civil. C'est la raison qui me permet de penser qu'il y aurait aujourd'hui des survivants figés pour la plupart entre 29 et 45 ans !

Depuis vingt-huit ans, tous les gouvernements français ont « éludé le sort des disparus de 1962. »

La Croix-Rouge Internationale, elle-même, ne peut donner des renseignements sur les dossiers qu'elle a constitué en raison d'un accord franco-algérien qui lui interdit toute divulgation sur ces sujets. C'est ainsi qu'obligation a été faite au CICR de ne communiquer aucune information aux familles de disparus, mais uniquement aux gouvernements français et algériens.

Cette obligation arbitraire, publiée par le « Journal officiel » du 7 mai 1963, est toujours en vigueur et n'a soulevé aucune protestation : les médias n'ont pas relevé d'infamie et les associations dites humanitaires sont restées de marbre. Pourtant, quand il s'est agi de sortir des griffes palestiniennes trois otages français détenus au Liban, en a donné de la voix dans toutes les sphères de la société.

En résumé, la question qu'il nous faut poser sans trêve ni répit à nos gouvernants est la suivante : «Ou bien Certains sont encore vivants et le gouvernement a le devoir d'obtenir qu'ils soient relâchés (ou du moins doit-il avouer Publiquement qu'il connaît leur existence et mettre l'Algérie au banc d'infamie comme on l'a fait Pour les Preneurs d'otages au Liban) ou bien ces Français ont tous été massacrés, mais alors le gouvernement français doit exiger du gouvernement algérien un aveu public : il s'agit de crime contre l'Humanité et on sait 'il sont imprescriptibles »

En conséquence, il faut à tout prix rompre le silence ; c'est à nous tous de réclamer que la lumière soit faite sur ces tragédies et de dénoncer ceux qui manquèrent si gravement à leur devoir.

Si lourde, si dure soit-elle, la vérité nous est due. Nous avons le droit, nous avons le devoir de la réclamer inlassablement.

J0SE CASTANO

(*)issue de la publication « Ecrits de Paris » Novembre 1990
(*) Auteur d'un ouvrage sur ce douloureux dossier :
« Afin que nul n'oublie ».
José CASTANO, BP 25 bis, 34471 Pérols Cedex.

M. Castano a également fait de nombreuses conférences
sur ce thème et sur l’Islam et le terrorisme.


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C O P I E

COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX ROUGE

Genève, le 28 septembre 1989

DDM/RECH 89/265 FT/av

Monsieur

Nous vous remercions de votre lettre du 8 septembre 1989 concernant les Français disparus en Algérie lors de l'accession de ce pays à l'indépendance en 1962.

Le CICR a accepté, à la demande des gouvernements français et, algérien, une mission spéciale en Algérie pour enquêter sur le sort de personnes disparues après le cessez-le-feu du 19 mars 1962. Dans le contexte de cette mission, nos délégués se sont efforcée, de mars à septembre 1963, d'élucider quelque 1200 cas de disparitions dont le CICR a été saisi.

Ces recherches furent extrêmement difficiles du fait notamment qu'elles étaient entreprises prés d'un an après les événements au cours desquels les disparitions avaient eu lieu.

Les délégués conduisirent leurs investigations dans tout le pays, questionnant, les autorités locales, les fonctionnaires de police, les parents, les voisins et les témoins des événements entourant les disparitions. Ils ont en outre procédé à une visite systématique des établissements pénitentiaires et autres lieux de détention.

Les résultats de ces recherches, traitées par cas individuels, ont été communiqués aux gouvernements intéressés, seuls habilités à en transmettre le contenu et à informer les familles.

A notre connaissance, des données statistiques ont été publiées dans le Journal officiel de la République française, séances du Sénat, deux séances du 5 novembre 1963, page 2259.

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C O P I E

amnesty international

Section Française

4, rue de la Pierre Levée

75553 Paris Cedex

11 Tel 433874 74 Telex Amnesty 213659 F

Minitel 3615 Amnesty

Monsieur José CASTANO

B.P. 25 Bis

34471 - PEROLS Cedex

Paris, le 3 novembre 1989.

Vous nous interrogez sur ce que Amnesty International a fait au sujet des disparus français pendant la guerre d'Algérie.

La réponse est très simple :

Amnesty International n'a commencé à exister qu'en.1961 et était pendant ses premières années d'existence une très petite et faible organisation animée par quelques bénévoles.

Même si l'organisation avait disposé à l'époque des moyens qui sont les siens à présent, elle n'aurait pas pu agir efficacement au sujet de la disparition de personnes au cours d'un conflit armé tel que la guerre d'Algérie. Seul le Comité International de la Croix Rouge aurait pu essayer de le faire : c'est en fait une fonction qui lui est confiée officiellement par les Conventions de Genève !

Certes Amnesty International s'occupe de "disparitions", telles qu'on les constate aujourd'hui dans un certain nombre de pays ; mais ce sont des "dis­paritions" entre guillemets, c'est-à-dire, la plupart du temps des exécutions extra-judiciaires qui servent a éliminer des opposants sans avoir à les juger.

La responsabilité de ces actes incombe aux gouvernements des pays où ces fait ont lieu. L'action d'A.I. s'appuie dans ces cas sur des témoignages crédibles par exemple lorsqu'une personne a été vue aux mains de la police et que celle ci nie ensuite l'avoir arrêtée. Il s'agit de ce que la Commission des Droits de l'Homme des Nations-Unies appelle : "disparitions forcées ou involontaires.

Vous comprendrez que les disparitions au cours de la guerre d'Algérie se pla­cent sur un tout autre plan et qu’Amnesty ne dispose d'aucun moyen de les tirer au clair.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ,nos sentiments les meilleurs.

Signé Michel  FORST

 

 

 


 
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