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Témoignage de M. G. JAUME


Témoignage de M. G. JAUME
du Service de la Répression des Fraudes
recueilli P.153 du Tome 1 du livre « l’Agonie d’Oran » de Geneviève de TERNANT
(editions J Gandini – Calvisson)


"Donc ce matin-la à Oran, je prenais mon bus a St Hubert pour me rendre à mon travail situé à I'autre extrémité de la ville, à Gambetta, 52 rue général Ferradou ou j'étais employé au Service de la répression des fraudes, comme contractuel. Peut-être était-il huit heures.à quelque chose près.
"Ce bus me sembla insolite. II s'arrêtait n'importe ou, dès qu'on lui faisait signe du trottoir et les voyageurs étaient fébriles. Puis, I'effervescence grandissait au fil du trajet et I'enthousiasme éclata lorsque le car stoppa devant la caserne du 28ème train, pas loin du cinéma Rex et à ce moment, tandis qu'une horde s'engouffrait dans le véhicule qui fut vite bondé, des individus aidés par le chauffeur, arabe lui aussi, fixaient des drapeaux F.L.N. à I'extérieur du bus.

Par-dessus les piaillements des passagers, une rude voix de macho à I'arrière du véhicule répétait dans sa langue maternelle : "ça sent le roumi, ça sent le roumi...". J'étais le seul européen à bord et comme il vociférait en se frayant un passage pour essayer de parvenir jusqu'a moi, la masse l’en dissuada par une petite phrase magique : "Pas encore, tu vas tout faire rater !".

Le bus archi comble redémarra pour ne s'arrêter qu'à I'hôtel de Ville. Mais pendant la durée de cette dernière étape, j'avais dans le larynx le même goût des affres ressentis jadis sur le front de la 2eme D.B. Je n'en ai pas pour autant perdu mon sang-froid pour lequel j'ai obtenu la Croix de Bronze en 1945, ni ma dignité. J'étais résigné à la mort puisque j'avais les mains nues au centre des milliers de barbares. Je n'ai rien esquissé de mon siège où j'étais assis. II était situé à gauche dans le sens de la marche. En face de moi, un peu plus à gauche, sur la banquette perpendiculaire à la mienne il y avait trois jeunes musulmans qui m'observaient. L'un d'eux faisait remarquer en arabe à ses coreligionnaires pendant que I'énergumène s'était excité contre mon odeur : "Qu'on est bourricots, ça va tout louper" et un autre de répondre : "Si ça se trouve, il comprend I'arabe... Oui, il a tout compris !".

"Moi, je ne détournais pas mon regard protégé par mes lunettes de soleil, afin de ne pas donner de prétexte à une provocation. Donc pas de maladresses ! Heureusement nous étions arrivés à destination. Sans me préoccuper davantage, je me laissais couler dans le flot de la sortie, qui débouchait sur une marée immaculée : une myriade de draps blancs jonchant la Place de la Mairie (place Foch) les murs du théâtre, les lions et les marches de I'Hôtel de Ville.

"Des que j'eus posé les pieds sur le sol, j'allumais une cigarette pour me donner une contenance et me dirigeais vers le Boulevard Gallieni, en face du Prisunic pour prendre la correspondance pour Gambetta. J'empruntais I'axe médian de la chaussée libre car les trottoirs étaient impraticables à cause de la densité de la population venue assister au spectacle : eux seuls étaient au courant : ils se pourléchaient.

La police militaire les contenait (il s'agit de I'A.LN.). Tous mes sens en éveil, je ne mis que quelques secondes à rejoindre ma correspondance. Rassèréné dans ce bus de la délivrance dont le chauffeur était un Européen, je n'entendais plus le brouhaha et les you-you stridents du dehors. Tout le parcours fut un véritable désert. J'arrivais dans les locaux de mon service ou chacun racontait son histoire. Bref, aux alentours de midi, il fallut retourner chez nous pour déjeuner. Me revoilà arrive au Prisunic. Sur cette place Foch, face au mess militaire, toutes les barques à voile avaient pris le cap pour ou ? Une chaîne s'était formée de gens qui comme moi attendaient le bus.

II arriva en même temps qu'un déluge de balles dans un fracas étourdissant d'armes à feu, mélangés aux cris de frayeur des femmes, enfants et autres qui s'interpellaient. Beaucoup de gens s'engouffrèrent dans ce bus qui fut stoppé par les arabes devant le cinéma Rex. On attend encore de leurs nouvelles.

"Pour moi, dès les premières détonations, j'eus la clairvoyance de faire demi-tour en sprintant sous les projectiles pour reprendre le même bus qui m'avait amené de Gambetta et qui partait déjà en marche arrière et en sens interdit vers le lycée de Garçons. A ma vue, le chauffeur ouvrait la portière avant sans ralentir son allure et faisait demi-tour au Lycée pour repartir vers Gambetta. II me largua Place des Victoires, toujours sous le feu des armes. Je me déplaçais par bonds vers le haut de la rue Béranger toujours tiré comme un lapin. Là, je pus observer de derrière les volets clos, ceux qui nous tiraient dessus : "les braves" à qui De Gaulle avait offert la paix.

Ils étaient en militaires et se servaient de leurs armes avec toute la bravoure que l’on peut avoir pour cette gigantesque battue aux enfants, femmes, infirmes, vieillards et vaillants désarmés par les perquisitions des C.R.S. sous les yeux des soldats français qui avaient I'ordre de ne pas tirer ! .


G. JAUME


 
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