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C'ÉTAIT LA VEILLE DE LA TOUSSAINT DE 1954
=

Laurent FRANCOIS
et Jean-François MENDEZ
font échouer l'attaque de la Gendarmerie de Cassaigne

MÉMOIRE, NE NOUS ABANDONNE PAS
&
Article de presse de l’Echo d’Oran et Témoignage
Recueillis pour le Site par Régis GUILLEM

Presque un demi-siècle sera passé, et personne encore ne rendra justice à un jeune homme de 22 ans qui, grâce à son courage, évita sans aucun doute une terrible effusion de sang sur toute une région.

Ce jeune homme, natif de Picard dans les monts du Dahra, fût LA PREMIERE VICTIME du début de l’insurrection algérienne.

Pour l’histoire, ce sera Guy MONNEROT cité première victime. Des pages complètes lui seront dédiées - ce qui somme toute était naturel - sur les différentes revues, livres, quotidiens. Cependant, si l’on veut rétablir une vérité historique, rappelons-nous que l’attentent contre le car dans lequel voyageait Guy MONNEROT et sa jeune épouse, ne fût attaqué qu’en milieu de la matinée du 1er novembre 1954

Laurent FRANCOIS, car c’est de lui qu’il s’agit, a été assassiné alors qu’il allait avertir la gendarmerie de Cassaigne d’une attaque de terroristes à 1h.30 du matin de ce 1er novembre 1954.

Rappelons également que cette même gendarmerie ne s’est manifestée qu’environ ¼ d’heure après que les deux jeunes gens Laurent FRANCOIS et Jean-François MENDEZ (le miraculé) eurent tambouriné après la porte de la caserne.

Souvenons-nous aussi que ces deux jeunes gens plutôt que de se rendre à la gendarmerie auraient pu, tout aussi bien, s’enfuir et rentrer chez eux à Picard.

Aussi pour tous ces faits, il me semblait tout à fait naturel de commémorer dignement cette mémoire.

                                                     Article de presse de l’Echo d’Oran

MOSTAGANEM - Assassinat de Laurent François

Ce dimanche 31 octobre 1954, à la tombée de la nuit, un groupe d’hommes sous les ordres de Sahraoui et Belhamiti se réunit au lieu dit « Oued Abid ». Sahraoui dispose d’armes de guerre (3 carabines italiennes, un fusil mauser et des munitions) qui lui ont été procurées par Bordji Amar. Cette réunion a pour but l’organisation d’une attaque qui doit être déclenchée à une heure du matin.

Tous se réunissaient vers le centre de Cassaigne ; Belhamiti prenait la tête d’un demi-groupe composé de Mehantal, Belkoniène, Chouarfia qui devaient se poster légèrement au sud et à l’Est des bâtiments de la gendarmerie.

L’autre demi groupe sous la direction de Sahraoui Abdelkader et composé de Belkoniène Taïeb, Tehar Ahmed et Beldjilali Youssef allait par l’Ouest s’approcher de la cour extérieure de la gendarmerie.

C’est à ce moment là que survint une automobile qui stoppait devant la cour extérieure, côté est de la gendarmerie.

Le demi groupe de soutien de Belhamiti se dissimula dans un fossé bordant la route.

Belkoniène et Tehar de leur côté, de peur d’être surpris eux aussi, cherchèrent à se dissimuler derrière les bâtiments de la gendarmerie ; ils y retrouvèrent Saharaoui Abdelkader qui leur donna l’ordre de se porter en avant et de tirer sur les arrivants.

Laurent François, conducteur du véhicule, et Mendez Jean-François, son compagnon de route, revenaient d’un bal de Mostaganem et rentraient à Picard ; sur leur route ils étaient arrêtés par monsieur Mira - gérant de la ferme Monsonégo - qui leur demanda d’alerter la gendarmerie car il était attaqué. Des coups de feu claquèrent alors mais sans les atteindre. Laurent François et Mendez Jean-François se précipitèrent donc vers Cassaigne et venaient donner l’alerte à la gendarmerie.

Laurent François sonnait au portail d’entrée et tous deux attendaient qu’on leur ouvre ; ils étaient éclairés par l’ampoule électrique allumée au-dessus du portail qui faisait d’eux une excellente cible pour les tireurs embusqués.

Belkoniène et Tehar, en position de tireurs immédiatement derrière la clôture en fil de fer de la gendarmerie, à une vingtaine de mètres environ de Laurent François et de Mendez Jean-François, tirèrent chacun un coup de feu. Laurent François s’écroula, mortellement atteint d’une balle à la nuque ; Mendez Jean-François s’affaissa mais n’était pas atteint par la balle qui allait s’écraser près d’une meurtrière dans le mur de la gendarmerie.

Un troisième coup de feu fût tiré sans atteindre sa cible.

L’attaque prévue de la gendarmerie était un échec pour les terroristes qui s’enfuirent et se replièrent au lieu-dit « La pierre Zerouki ».

Une première victime civile de 22 ans s’inscrivait sur la liste de milliers d’autres au cours de cette guerre.

Verdict de la Cour d’Assises de Mostaganem du 24 juillet 1955

Condamnés à la peine capitale : Belkoniène Taïeb, Tehar Ahmed et Saharoui Albdelkader

Travaux forcés à perpétuité : Belhamiti

Vingt ans de travaux forcés : Chouarfia, Belkoniène Mohamed

 

---==oOo==---

 

Témoignage de Jean-François MENDEZ, rescapé de l’attentat de Cassaigne

Dimanche 31 octobre 1954 ; comme d’habitude je suis avec mon copain FRANCOIS Laurent, âgé de 22 ans. Nous décidons d’aller danser à Mostaganem qui se situe à environ 75 kilomètres de Picard ; nous avons appris qu’il y avait un bal au « grand hôtel » où nous avions rendez-vous avec des copines habitant Mostaganem.

Comme l’ambiance ne nous plaisait pas, nous décidons de revenir sur Picard. Nous raccompagnons les deux copines avec lesquelles nous étions et nous prenons la route pour revenir chez nous. Laurent est au volant de sa 4 CV et décide, plutôt que longer la côte, emprunter la route un peu plus longue de 2 kilomètres qui passe par Cassaigne.

Nous roulons tranquillement lorsque soudain, à la sortie de Ouillis en direction de Cassaigne, nous apercevons un homme en sous-vêtements, en bordure d’une rangée de vignes. L’homme qui ne bouge pas nous fait des grands signes. Laurent s’arrête à sa hauteur et j’ouvre ma portière ; nous avons tout juste le temps d’entendre l’homme nous crier d’aller chercher du secours que des coups de feu résonnent dans la nuit ; le pare-brise de la 4 CV vole en éclats ainsi que la vitre de la portière du côté de Laurent. Je crie à Laurent de démarrer, il s’exécute et nous repartons en trombe. Nous étions complètement hébétés et ne réalisions pas ce qui nous arrivait. Je m’aperçois que Laurent à du sang sur le côté gauche du front ; je lui donne un mouchoir et, tout en conduisant, s’éponge le front du sang qui coule encore. Je lui redonne un second mouchoir. Nous décidons d’aller avertir la gendarmerie de Cassaigne. Nous arrivons en trombe sur la petite place devant la gendarmerie. Nous ne prenons pas la peine de refermer nos portières ni d’éteindre nos feux. Laurent a immobilisé le véhicule à quelques mètres de l’entrée de la gendarmerie.

Je m’inquiète de la blessure de Laurent qui me rassure en m’indiquant que çà va. Nous arrivons devant l’immense porte imposante de la gendarmerie et nous nous mettons, tous deux, à tambouriner, à hurler, à tirer sur la chaîne qui actionne la cloche, personne ne répond. Soudain des coups de feu ; Laurent s’écroule en arrière. Moi, je me retrouve par terre ; je continue à asséner des grands coups de pied dans la porte. C’est à ce moment-là que je vois, dans la rue, des lumières s’allumer dans un grand bâtiment qui se trouve être la prison.

Je porte mon regard sur Laurent qui ne bouge pas ; j’appelle au secours mais personne ne répond. Je décide de m’enfuir et, prenant mes jambes à mon cou, je dévale une pelouse et tombe nez à nez sur un gardien de nuit qui dirige son fusil dans ma direction. Je parviens à lui expliquer ce qui se passe et lui demande de contacter un docteur pour Laurent ; un autre homme, un second garde nuit, arrive en titubant et nous dit qu’il vient de se faire attaquer et que ses agresseurs lui ont volé son fusil. Une autre personne, qui apparaît en haut du talus avec une lampe torche à la main, nous demande ce qui se passe. Je lui réponds que nous avons besoin d’un docteur pour mon copain qui est blessé et qui gît devant la porte de la gendarmerie.

Nous courons chez le docteur Guilbert sans prendre le temps de donner plus d’explications au dernier arrivant. Les coups de feu ont cessé.

Le docteur qui a été réveillé par tout le bruit nous ouvre immédiatement et, après que je lui ai expliqué ce qui était arrivé, nous indique qu’il se rend immédiatement au chevet de mon copain.

Nous retournons devant la gendarmerie et recognions à la porte d’entrée ; nous actionnons également les klaxons des voitures. Enfin la porte s’ouvre et deux gendarmes apparaissent. De nouveau j’explique ce qui nous est arrivé. Le docteur est en train d’examiner Laurent et demande aux gendarmes d’appeler du secours.

Les gendarmes ont réveillé tout le monde ; même les chiens dormaient.

Le docteur qui a fait un premier diagnostic qui n’est pas très rassurant demande aux gendarmes d’avertir les autorités.

Les gendarmes se mettent au travail mais il n’y a plus de téléphone. Toutes les lignes téléphoniques ont été coupées. Le seul contact reste la radio ; il est presque 2 heures du matin. Il faudra attendra l’heure de vacation avec la gendarmerie de Mostaganem.

Le chauffeur de l’Administrateur arrive avec un fourgon qui servira d’ambulance au transport de Laurent, toujours inanimé. Le docteur décide de transporter Laurent à l’hôpital de Mostaganem. Malgré les efforts du chauffeur qui mettra tout en œuvre pour arriver très vite, Laurent succombera avant même son arrivée à l’hôpital.

Quand à moi je reste à la gendarmerie afin d’y être interrogé. Les gendarmes ont enfin la vacation avec Mostaganem qui met en alerte toute la région.

Cassaigne était, administrativement, le chef-lieu de 5 communes : Bosquet, Cassaigne, Lapasset, Picard et Ouillis. Le village le plus éloigné était Picard qui se situait à environ 35 kilomètres de Cassaigne.

Il était déjà tard lorsque un gendarme me propose d’aller me reposer chez lui. Son épouse me propose leur propre lit ; je m’allonge et tente de dormir. Tous ces évènements passent sans cesse devant mes yeux et je pense surtout à « Lolo », mais le sommeil me gagne. A mon réveil, le jour est déjà levé. Je prends un café que la femme du gendarme m’a fait et je rejoins le bureau des gendarmes qui m’apprennent le décès de Laurent. Ils reprennent leur interrogatoire lorsque la femme du gendarme chez lequel je me suis reposé rentre dans le bureau et demande à son mari de venir voir quelque chose. Le gendarme et son chef lui emboîtent le pas et reviennent presque aussitôt. Ils décident de faire une inspection autour de la gendarmerie et là ils découvrent beaucoup d’empreintes dans les champs qui longent les bâtiments, des échelles, des douilles de balles.

Sur le toit ils relèvent également des empreintes d’individus qui, visiblement, s’apprêtaient à attaquer la gendarmerie. Les chiens qui ne s’étaient pas manifesté avaient été endormis.

En fait, la femme du gendarme qui était intervenue s’était rendue compte qu’un des barreaux de la fenêtre de la chambre dans laquelle je m’étais reposé avait été sectionné par une balle. Personne n’avait rien entendu.

Les gendarmes avaient-ils réalisé que notre intervention avait déjoué l’attaque qui leur était destinée et que, sans aucun doute, avait permis d’épargner leurs vies et celles de leurs
familles ?

A présent, l’alerte était donnée un peu partout. Les gendarmes contactèrent ceux de Picard qui eurent en charge d’aviser le Maire. C’est ce dernier qui avertit mes parents et eut la pénible tâche d’avertir ceux de Laurent.

Dans le courant de la matinée, les renseignements arrivaient d’un peu partout. L’homme que nous avions vu sur le bord de la route et qui nous avait demandé du secours était le commis de la ferme MONSONEGO. Heureusement il n’avait rien eu excepté une peur terrible. Les terroristes avaient tenté de faire sauter le transformateur électrique de Ouillis qui alimentait tout le Dahra. Dans l’obscurité, toute la région pouvait être une proie facile pour les terroristes.

En fin de matinée, mon père, accompagné de monsieur Vernier Maire de Picard, vint me chercher ; le Maire se rapprocha de l’Administrateur afin de lui demander des renseignements.

Nous arrivâmes à Picard où l’émotion était grande dans l’après-midi.

Pendant plusieurs mois, après ce drame qui avait chamboulé ma vie, je vécus un cauchemar. Je ne dormais plus la nuit car je revoyais sans cesse la scène. Je fus contraint de dormir dans la chambre de mes parents.

Les obsèques de Laurent eurent lieu le 3 ou le 4 novembre. Tout Picard était là, les villages voisins également étaient venus rendre un dernier hommage à cet enfant du pays de 22 ans. Beaucoup de monde ; mais pas un seul officiel, pas une seule autorité n’assista à ses obsèques.

Le lundi 8 novembre, dans le courant de la matinée, le Maire - monsieur Vernier - recevait un appel téléphonique de Cassaigne ; il était informé qu’une reconstitution de l’attentat devait avoir lieu dans l’heure, qu’il devait m’aviser que j’étais attendu pour cette reconstitution.

Le Maire contacta mon père. Comme nous n’avions pas de voiture, monsieur Vernier, le Maire, nous proposa de nous amener. Mon père exigea une escorte car nous avions environ une heure de route. Cela lui fût refusé et de ce fait, je n’ai pu assister à cette reconstitution. Les terroristes avaient été arrêtés quelques jours plus tôt, leur chef, lui, avait été abattu.

Lors de cette reconstitution, un gendarme qui n’avait pas apprécié l’attitude des autorités indiqua à un journaliste présent, monsieur Palacio de l’ECHO-SOIR, qu’il était inadmissible que le témoin principal ne soit pas présent.

Sitôt la reconstitution achevée, monsieur Palacio accompagné de son chauffeur et photographe, monsieur Gagliardo, ont pris la direction de Picard et sont venus me voir à la maison.

Lors de cette reconstitution, l’on se rendit compte qu’il y avait encore sur le portail de la gendarmerie des petits morceaux de cuir chevelu et des mèches de cheveux de Laurent. La balle qui m’avait été destinée était plantée dans la porte.

Après avoir eu l’autorisation de mon père de m’interroger sur les faits, ils publièrent leur article le 9 novembre.

Ce furent les seules personnes qui s’inquiétèrent du drame de Cassaigne.

Dans le mois qui a suivi, presque tous les gendarmes ont été déplacés. Aucun motif n’a été communiqué.

Nous n’avons plus entendu parler de l’attentat de Cassaigne jusqu’au jour du jugement des terroristes, le 23 juillet 1955, où la sentence a été prononcée.

Condamnés à la peine capitale : Belkoniène Taïeb, Tehar Ahmed et Saharoui Abdelkader ;

Travaux forcés à perpétuité : Belhamiti ;

20 ans de travaux forcés : Chouarfia, Belkoniène Mohamed.

Pour ce jugement auquel j’ai assisté et qui n’a duré qu’une petite journée, je n’ai été dédommagé que d’un remboursement de mon déplacement de la journée.

J’ai tout de même bénéficié d’un « acte de courage et de dévouement » signé de monsieur Mitterand, ministre de l’intérieur en 1956 et d’une carte de félicitations de monsieur Le Baron Roger de Saivre, député d’Oran et de l’Assemblée Nationale.

En dehors de ces deux documents, que je considère comme des vulgaires bouts de papier, je n’ai rien eu d’autre. Pas même le droit de figurer aux Archives Nationales avec mon camarade Laurent FRANCOIS première victime du terrorisme et non, comme l’attestent les divers journaux ou documents, monsieur Monnerot qui, paix à son âme, fût assassiné 8 heures après mon ami Laurent FRANCOIS.

Laurent ne méritait-il pas, lui aussi, les honneurs de sa Patrie ?

Signé : Jean-François MENDEZ


 
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